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CHAPITRE IV
LA NOBLESSE DE PROVINCE
i. La vie familiale et la vie de société. — ii. Préoccupations politiques. — iii. Rôle dans la vie économique et sociale. — iv. Condition de la veuve. — v. La mère. — vi. Condition de la jeune fille. — vii. Succession féminine. — viii. Droits civiques de la femme.
i. La vie familiale et la vie de société

Ce qui, avant tout, distingue la femme noble de province de celle de Paris, c’est qu’elle fréquente peu la Cour. Placée en dehors de ce milieu, où règne le luxe, où tout souci de la morale a disparu, où triomphent l’esprit d’intrigue et de coterie, la grande dame de province doit, semble-t-il, avoir des préoccupations, une vie, une personnalité bien différentes.

Il s’en faut cependant que toutes les femmes nobles de province, auxquelles les charges de leur mari ou leur fortune ne permettent pas de résider à Paris et de fréquenter quotidiennement Versailles, mènent une vie identique. « Les gentilshommes aisés, dit l’auteur de la plus complète étude sur la noblesse au xviiie siècle, se divisèrent en deux classes : les uns recherchèrent la société, se fréquentèrent de château à château, eurent hôtel ou appartement à la ville pour l’hiver, coururent les réceptions ; les autres, tout entiers à la vie rurale, furent des chasseurs, des pêcheurs, des propriétaires préoccupés de leur culture et vécurent parfois en solitaires dans leurs châteaux[1]. » Les gentilshommes pauvres, qui composent la grande masse de l’ordre de la noblesse, mènent, sinon toujours par goût du moins par force, cette même existence isolée. Naturellement, cette distinction s’applique à leurs femmes et bien différente est la vie de celles qui, dans les villes petites ou grandes, s’efforcent de vivre suivant la mode de Paris ou de Versailles, et celles qui, attachées à leurs terres, partagent avec leurs maris ou

  1. Henri Carré. La noblesse de France et l’opinion publique au xviiie siècle.