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et leur entourage lui suggérèrent cette nomination, il la trouvèrent d’abord très récalcitrante[1] et ce ne fut que sur les instances répétées de Mme de Polignac qu’elle se décida à porter Calonne au contrôle général[2]. Comme cependant Calonne resta l’homme de la faction des Polignac, comme ceux-ci, en définitive, avaient amené la reine à suivre leurs vues en cette affaire, on s’explique que Calonne soit apparu comme une créature de Marie-Antoinette, Mais, on le voit, celle-ci ne fut que l’instrument plus ou moins docile d’un parti. Ceux qui ont approché alors de la souveraine notent bien de quelle manière s’exerça son influence. Depuis la naissance de Madame Royale, surtout depuis celle du dauphin, elle est toute puissante sur l’esprit du roi et désire être tenue au courant de toutes les affaires. Mais elle a assez peu de suite dans les idées et peu de goût pour les questions sérieuses… On le sait et on choisit pour obtenir son adhésion, nécessaire à toutes les combinaisons politiques, des instants où la reine, absorbée par les plaisirs du monde, s’occupe peu du gouvernement[3].

Cette toute puissance sur l’esprit du roi ne vaut d’ailleurs que pour les affaires intérieures. Elle a beau recevoir soit directement de son frère Joseph II, soit par l’entremise de Mercy Argenteau des instructions pressantes de la Cour de Vienne, elle a beau être le représentant de la politique autrichienne, la reine ne réussit pas mieux que naguère à faire triompher les vues de la diplomatie impériale. C’est Vergennes, non la reine, que Louis XVI écoute lorsqu’il s’agit de la sécurité de la France et de l’équilibre de l’Europe. Malgré elle, on a déclaré la guerre à l’Angleterre. Malgré elle, la France refuse de devenir satellite de l’Autriche et, lorsqu’une deuxième fois, Joseph II tente d’échanger les Pays-Bas pour la Bavière, il ne peut pas plus que la première obtenir l’appui du cabinet de Versailles. Au grand mécontentement de la reine, Vergennes l’emporte et ses négociations avec la Hollande et la Prusse amènent l’échec du nouveau plan autrichien.

L’espoir même que l’empereur forma à la mort de Vergennes de voir l’influence de la reine se traduire par l’arrivée au pouvoir d’un ministre partisan du resserrement de l’alliance franco-autrichienne

  1. Augeard. Mémoires secrets.
  2. Mme Campan. Souvenirs.
  3. Quoique la reine mit peu de suite à influer sur les affaires, elle voulait être instruite et son crédit sur le roi était si dominant que la sûreté du succès dépendait toujours de son assentiment. On choisit pour lui parler les derniers jours du carnaval, temps où la reine s’occupait peu du gouvernement (Besenval. Mémoires).