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aux souliers plats, on organise fêtes, bals et splendides réceptions. « La plus belle parmi trois cents femmes va poser une couronne de lauriers sur les cheveux et deux baisers sur les joues du vieillard. » La comtesse de Polignac se signale parmi les plus fanatiques des dévotes de la nouvelle idole et Louis XVI qui, non plus que Marie-Antoinette, n’est encore conquis, en prend prétexte pour lui faire une plaisanterie d’assez mauvais goût[1].

Bien que la reine marquât, comme le roi, peu d’enthousiasme pour les Américains, la puissance de l’opinion publique fut assez forte pour le déterminer à laisser Vergennes suivre sa politique. Les femmes de la Cour et de la ville ont puissamment contribué, en cette circonstance, à former l’opinion et à hâter l’intervention.

À partir de la chute de Necker, les influences féminines les plus puissantes sont celles qui s’exercent autour de la reine : Mme  de Lamballe et la coterie des Polignac. « Mme  de Polignac, dépositaire des pensées les plus secrètes de la reine, disposa pour les plus grands objets du crédit immense que cette princesse avait sur le roi[2]. »

Constamment, la comtesse de Polignac et son entourage interviennent dans la nomination des ministres. Pour porter au pouvoir Calonne, Ségur, Castries, leur assentiment fut nécessaire et parfois la coterie de Mme  de Polignac se heurta à l’influence d’autres coteries féminines, par exemple celle de Mme  de Maurepas, hostile à la nomination de ces deux ministres. En cette circonstance et en bien d’autres, l’influence des Polignac l’emporta[3].

Cette influence ne s’exerça pas d’ailleurs sans difficulté ; elle rencontra de la part de la reine même de la résistance, particulièrement lorsque les Polignac, sous l’influence de Vergennes, firent créer un comité de finances composé des principaux ministres et où Vergennes était prépondérant[4]. En cette circonstance encore, Mme  de Polignac, dirigée d’ailleurs par son amant le comte d’Adhémar qui, devant sa place à Vergennes, lui était tout dévoué, l’emporta.

C’est la coterie des Polignac encore qui contribue à élever Calonne et assez longtemps à le soutenir[5].

Mais au cours et surtout à la fin de son ministère, Calonne est

  1. Il lui envoie un pot de chambre garni, en bonne place, du portrait de Franklin (Mme  Campan. Mémoires).
  2. De Besenval. Mémoires.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Ibid.