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L’exil eut d’ailleurs été volontaire sinon imposé. Les femmes qui avaient fait la force du parti de Choiseul se détournèrent avec mépris de Mme  du Barry. Pendant les premières années de sa faveur, celle-ci et le roi vécurent comme isolés avant d’avoir pu reconstituer autour de la nouvelle favorite une cour nouvelle. C’est, en grande partie, à l’hostilité des femmes du parti de Choiseul qu’il faut attribuer l’impopularité des ministres du triumvirat. Ils furent privés de l’appui de ces cercles féminins, de ces salons qui, même sous Mme  de Pompadour, avaient fait la force des ministres et avaient soutenu leur politique. D’ailleurs, la dauphine Marie-Antoinette, mariée par Choiseul, vivait un peu à l’écart, se confinait dans une réserve boudeuse et apparaissait comme l’espoir du parti de choiseuliste.

La mesure principale prise par le triumvirat, l’abolition des parlements, rencontra autant d’hostilité parmi les femmes que parmi les hommes, « Les femmes du parti de Choiseul ne manquèrent pas une si belle occasion de se faire les soutiens de ce qu’elles appelaient les Constitutions fondamentales de l’État. Dans les conversations, les soupers, on ne parlait d’autre chose et les assemblées de société et de plaisir étaient devenues de petits états généraux où les femmes, transformées en législateurs, débitaient des maximes de droit public, des citations historiques, établissaient des principes avec l’assertion et l’audace que leur donne le désir de se faire remarquer[1]. »

Deux groupes surtout donnent le ton : le cercle de la duchesse de Grammont, restée encore puissante et considérée, celui du prince de Conti, toujours entouré de femmes dans sa propriété de l’Isle Adam.

Et cette opinion, si commune au xviiie siècle, que les Parlements faisaient partie de la Constitution fondamentale du royaume, qu’on ne pouvait y toucher sans ébranler l’État, fut soutenue avec autant de passion dans les cercles de la Cour par les femmes que par les hommes ; « on cria à la tyrannie…, les femmes se distinguèrent surtout…, selon elles la monarchie allait s’écrouler, elles ne parlaient des parlements que comme des victimes qu’on égorgeait sur l’autel du despotisme[2]. »

Comme nous le verrons, ce mouvement de résistance gagna les différentes provinces du royaume aussi bien que les différentes classes de la société et les femmes contribuèrent pour une part très large à l’impopularité du nouveau régime et des parlements Maupeou.

  1. Besenval. Loc. cit.
  2. Ibid.