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les régimes parlementaires, ni lois constitutionnelles, ni règlements d’administration capables de limiter l’arbitraire, ni, comme au siècle précédent, une volonté assez forte pour écarter les influences et tenir compte, dans les nominations d’un emploi, des seuls intérêts du roi et du pays. Le monde intervient donc, bien plus qu’il ne le fait à aucun autre époque, dans le fonctionnement de la machine administrative. Or, le monde c’est la femme et comme jamais le monde ne fut plus brillant qu’au xiiie siècle, ni le goût du plaisir plus développé, la femme y tient une place plus grande qu’à nulle autre époque. Et Goncourt de s’écrier : « La femme au xiiie siècle est le principe qui gouverne, la raison qui dirige, la voix qui commande ; elle est la cause universelle et fatale, l’origine des événements, la source des choses. Rien ne lui échappe, et elle tient tout, le Roi et la France, la volonté du souverain et l’autorité de l’opinion. Elle ordonne à la Cour. Elle est maîtresse au foyer. Les révolutions des alliances et des systèmes, la paix, la guerre, les lettres, les arts, etc., elle les plie à son caprice ou à ses passions. Elle a, pour bâtir les grandeurs et les effacer, la main de la fortune et les foudres de la disgrâce.

« L’imagination de la femme est assise à la table du Conseil. La femme dicte selon la fantaisie de ses goûts, de ses sympathies ou de ses antipathies, la politique intérieure et la politique extérieure ; elle donne ses instructions aux ministres ; elle inspire les ambassadeurs ; elle impose ses idées, ses devoirs à la diplomatie, son ton, sa langue même.

« La femme touche à tout, elle est partout. Elle est la lumière, elle est aussi l’ombre de ce temps dont les grands mystères historiques cachent toujours, en leur dernier fond, une passion de femme…[1] »

La page est fort belle. Mais, emporté par son enthousiasme. Goncourt n’exagère-t-il pas un peu ? Sans doute, ce serait forcer l’histoire que de considérer tous les événements de la politique intérieure et extérieure comme déterminés par la seule influence féminine. Surtout c’est fausser l’histoire que de considérer la femme comme le mobile dernier de toutes actions. Il y a, au xiiie siècle, dans la politique nationale et internationale, de grandes forces totalement étrangères à la femme et qui sont les causes premières des événements ; ces forces s’appellent l’ambition de la Prusse et de l’Angleterre, les velléités républicaines du Parlement, l’ar-

  1. Goncourt. La femme au xiiie siècle.