Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/86

Cette page n’a pas encore été corrigée

cette Ménadora à qui son immense fortune servit à faire la prospérité de sa cité natale. À sa voix, s’élèvent les temples de marbre aux majestueuses colonnades, aux clairs portiques, où resplendit l’or, châsse somptueuse pour les statues d’argent des déesses. Elle distribue aux pauvres la nourriture du corps, à tous le pain de l’esprit. Écoles, fondations charitables sont ses œuvres. Et, tel César à Rome, elle donne à ses compatriotes panem et circenses.

Ses concitoyens reconnaissants accumulent sur sa tête les honneurs civils et religieux. Ainsi, dans le pays même où elle combattit Bellérophon, la terrible Amazone s’est muée en citoyenne et, grave et libéral magistrat, contribue à parer d’un nouvel éclat la majesté de Rome.

Des Ménadora, si les inscriptions en font surgir quelques dizaines, c’est qu’il y en eut des centaines. Et de même que le vote politique des femmes, limité d’abord à quelques États de l’Union américaine, s’étend aujourd’hui à toute la fédération, de même, sans doute, l’évolution naturelle des institutions, des idées et des mœurs tendait, au siècle d’or de l’empire, à accorder aux femmes la complète égalité politique, lorsque des influences contraires firent reculer, sur ce point comme sur tant d’autres, la civilisation.

Ce bref coup d’œil jeté sur l’activité de la femme romaine nous explique que le féminisme n’ait pour ainsi dire jamais pris, à Rome comme en Grèce, la forme théorique. Nul homme, nulle femme ne songe, à notre connaissance du moins, à revendiquer