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fille du grand orateur Hortensius, rival de Cicéron. Intelligente, lettrée, elle s’était maintes fois, comme d’autres grandes dames romaines que la correspondance de Cicéron nous laisse entrevoir, exercée à l’éloquence, et les débats du Forum ne lui étaient pas étrangers.

Viennent les guerres civiles, et le triumvirat. Antoine, Octave et Lépide frappent Rome de lourdes contributions. Parmi ceux sur lesquels elles tombent se trouvent quatorze cents femmes, les plus riches citoyennes de la ville. Un grand nombre d’entre elles s’assemblent, protestent contre le décret et décident de faire rapporter la mesure. Hortensia est désignée pour porter leurs revendications aux triumvirs. Elle obtient audience ; elle se présente devant eux avec un état-major de déléguées, et, au nom de toutes, prend la parole.

Va-t-elle, comme firent tant de femmes en des circonstances analogues, déployer des grâces ou laisser couler des larmes ? Non ! Son discours, dépouillé de tout sentiment, de tout pathétique, mais lumineux, serré, direct, est d’une dialectique puissante, d’une âpre éloquence, et seule l’anime une froide ironie : « Les femmes, dit Hortensia, sont en dehors de la vie politique, elles sont écartées des honneurs, des fonctions publiques ; pourquoi subiraient-elles les charges ? les guerres civiles ne leur ont jamais profité ; il serait injuste qu’elles dussent en souffrir. » Avec un réalisme dont la puissance nous étonne, Hortensia constate des faits, sans les apprécier. Mais il est facile de voir, sous le masque d’une glaciale indifférence, frémir en son âme une colère contenue contre ce sexe qui, se réservant