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des Gracques, Cornélie, en qui la légende voit l’archétype de la matrone des anciens âges, est un modèle accompli de femme nouvelle. Amie des philosophes grecs qu’elle donne pour précepteurs à ses fils, réunissant autour d’elle, dans un salon littéraire et politique, toute la fleur de l’intelligence et les plus hauts personnages de Rome, la fille de Scipion l’Africain, par amour maternel et aussi par ambition, — car il ne lui déplaisait pas d’être la mère du maître de sa patrie, — favorisa puissamment la carrière politique de ses deux fils. Son intelligence, son énergie, autant que la science et la culture stoïcienne de Blossius et de Diophane, les précepteurs grecs qu’elle leur choisit, avaient contribué à former l’esprit et le caractère de ses fils. Julia, fille de César et femme de Pompée, qui jusqu’à sa mort sut empêcher la rupture entre les deux adversaires ; Sempronia, affiliée à la conjuration de Catilina ; Fulvia, femme d’Antoine, qui poussa les triumvirs aux plus cruelles de leurs proscriptions et sacrifia Cicéron à sa haine, autant de femmes dont, à travers l’obscurité ou l’insuffisance des textes, nous soupçonnons l’activité politique. Combien d’autres nous échappent totalement !

Mais voici, par heureuse fortune, un précieux document qui nous montre, avec un détail et une précision suffisantes, la femme romaine, vers la fin de la République, consciente de ses droits de citoyen et habituée à les défendre, non sans quelque ironique amertume contre les plus déterminés des tyrans.

C’est l’histoire d’Hortensia, aujourd’hui peu connue, mais qui, aux féministes de notre dix-huitième siècle, apparaissait comme l’une des pages les plus éclatantes du livre d’or féminin. Hortensia était la