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de la société ! s’écrie le vieux Caton, qui se dresse pour dénoncer le péril féministe, et son discours contre l’abrogation de la loi semble bâti déjà sur le thème proudhonien : « Ménagère ou courtisane. » Émanciper les femmes, c’est les corrompre, juge-t-il. « Que les femmes puissent jeter un regard sur la place publique, qu’elles aient le droit de donner leur avis sur les affaires qui les concernent, c’est le renversement de l’antique loi des ancêtres. La femme veut être l’égale ; elle sera bientôt la dominatrice… » La voix de Caton, c’est celle d’un passé déjà condamné ; elle se perd dans le bruit de l’émeute féminine qui gronde aux portes de la curie. Sachant que le parti traditionaliste refuse de faire droit à leurs justes demandes, que l’abrogation de la loi rencontre de sa part une opposition violente, les dames romaines s’assemblent, tiennent des meetings, parcourent les rues de Rome en conspuant leurs adversaires, vont trouver quelques-uns d’entre eux jusqu’en leurs demeures et obtiennent de tous les tribuns, prêts à opposer leur veto, qu’ils se rallient à la proposition de Valérius et de Fundanus. Une réplique de Valérius à Caton et, grâce à l’action parlementaire et extraparlementaire des femmes, la loi Oppia est abrogée. Grande victoire féministe. Car la couleur du vêtement des matrones a servi de prétexte à des discussions d’une bien autre ampleur. Comme l’a fort bien compris Caton, la femme s’émancipe par le luxe ; elle commence d’échapper à l’autorité maritale. Elle regarde vers le forum. Et le Censeur, qui perce leurs dessins cachés, pose nettement la question : « Peut-on admettre que les femmes influent sur les délibérations publiques ? »