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ler à la vie du monde. La voilà sur les places publiques, dans les temples, sous les portiques, au théâtre, parcourant les rues de Rome et les grandes voies dallées dans sa litière portée par de vigoureux serviteurs. Elle a troqué l’antique péplum de laine blanche pour la pourpre de Tyr, les étoffes somptueuses de rionie ; et son cou, ses bras, ses oreilles ruissellent de bijoux.

C’est, par l’abandon de l’austérité qu’imposèrent les mœurs antiques, une première émancipation. Bientôt les femmes ne se contentent pas de sortir de la maison familiale ; elles veulent, s’il leur plaît, en briser pour jamais les portes, et elles y parviennent en effet lorsque, à une époque d’ailleurs incertaine, elles obtiennent elles aussi de répudier leur mari et de divorcer à leur gré. Dès l’instant qu’il n’est plus le maître éternel, voici le tyran qui s’humanise. Chez elle, la femme devient vraiment la maîtresse ; elle n’est plus une esclave, mais une compagne, une collaboratrice ; comme elle dispose d’elle-même, elle dispose de ses biens. Sans l’intervention de son mari, elle administre sa fortune, vend, achète, aliène sans que l’époux puisse s’y opposer. Et, naturellement, elle tend, bientôt, après avoir obéi à commander, après avoir vécu pauvre à côté de sa propre fortune à dilapider en parures les biens de son mari. Et voici qu’apparaît un type inconnu des sociétés antiques : la femme seule et qui, indépendante, libre, vit pour soi-même. Une subtilité juridique, en effet, permet à la fille majeure, à la veuve d’échapper à l’obligation gênante de la tutelle. Un tuteur de complaisance, un mari qui (tel maint personnage de nos plus parisiennes comédies)