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inconnus (les auteurs grecs nous parlent à peu près dans les mêmes termes des anciennes gynécocraties). Le pays est riche et bien cultivé. Les puissances de l’au-delà même, enchaînées par de subtiles incantations féminines, sont à son service. Mais la subordination des hommes est rigoureuse. Ils ne transmettent pas leur nom de famille à leurs enfants, qui portent celui de leur mère. Ils n’ont aucun droit à l’héritage : « Quand une femme meurt, sa fille ou sa bru entre en possession de ses biens, jamais son fils. » Politiquement inférieurs aux femmes, privés de la plupart de leurs droits civils, inaptes à la propriété, les hommes de cette curieuse république sont exactement dans la situation où furent à l’époque moderne les femmes dans la plupart des pays du monde.

Protégée par des montagnes neigeuses et des déserts, la république des femmes maintint, de longs siècles son antique constitution. Au septième siècle de notre ère, la souveraine Liou-Pi fut nommée par l’impératrice chinoise Wou-Héou « général de l’extérieur de gauche du fort de Ya-Khian-Wei ». Il est permis de supposer que le récit de l’annaliste chinois contient plus qu’une légende, mais, un peu embellie, une réalité. Ce qu’il dit des sujettes de Celle qui va au-devant, n’est-ce pas à peu de choses près ce que Grecs et Romains ont dit des antiques Crétois, des Cantabres et des Tyrrhéniens ?

L’accumulation et le rapprochement de ces divers témoignages, qui s’élèvent des trois parties du monde