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« un peuple jeune, fort et sain » nulle collaboration plus précieuse que la leur.

Mais la famille ? Ne va-t-elle pas être désorganisée sous l’action doublement dissolvante de l’émancipation juridique qui établit dans le royaume du mari une puissance rivale et du travail féminin qui chasse la femme du foyer ? Le changement sera sans doute plus apparent que réel. Combien de femmes, même avant la guerre, passaient réellement toute leur journée au foyer ? La dure loi d’airain pour celles-ci, les devoirs mondains pour celles-là, n’arrachaient-ils pas, bon gré mal gré, la plupart d’entre elles à leur ménage, à leurs enfants ?

Et si un plus grand nombre de femmes de la bourgeoisie cessent, comme de plus en plus une nécessité vitale les y pousse, de se contenter du rôle de passive ménagère, les ouvrières, relevées par le féminisme vainqueur, travailleront moins dans des conditions meilleures, et le nombre comme la qualité des enfants y gagnera. Quant à l’anarchie au foyer, crainte vaine. La femme tenue en tutelle par le Code n’y a-t-elle pas souvent gouverné ? L’émancipation légale de la femme, sans entraver l’unité de direction nécessaire, empêchera seulement le mari d’être un despote, le père de décider seul de l’avenir de ses enfants.

Mais tant de femmes jetées dans l’arène économique, n’est-ce pas un danger social, une nouvelle forme, et terrible, de la lutte pour la vie : la concurrence des sexes ? Qu’elle l’ait voulu ou non, la femme depuis longtemps travaille. Le droit d’exercer tous les métiers masculins sera-t-il donc un aiguillon plus rude que la simple nécessité ? D’ailleurs,