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Cette place, elle est immense, et il faudrait pour la déterminer avec exactitude et l’apprécier à sa valeur de longues et minutieuses études. L’historien qui, plus tard, s’attachera à dépeindre cette phase décisive de l’évolution humaine, montrera les femmes, manœuvres d’abord, auxiliaires au sens le plus humble du terme, s’emparant bientôt des professions qui exigent la force et des professions qui exigent l’intelligence et, dans les unes et les autres, réussissant malgré leur dérisoire préparation. La France a ses munitionnettes, ses ouvrières de la victoire à qui les progrès du machinisme, que la nécessité d’employer des bras plus faibles suscite prodigieux, permettent de manier, avec les grenades, les plus lourds obus ; ses vérificatrices, ses calibreuses, douées d’un sûr coup d’œil, ses forgeronnes, maîtresses du fer, ses pontonnières qui surveillent la coulée du métal et celles qui, au risque de leur vie, emprisonnent la puissance formidable des explosifs ; l’Angleterre a ses ouvrières qualifiées, ses contremaîtresses, ses cyclewomen, ses policewomen, ses régiments de scribes, de cuisinières, de téléphonistes militaires qui, de kaki vêtues, mènent la vie du front ; l’Allemagne, ses chauffeuses de four à verre ou à porcelaine, ses mineuses, ses couvreuses, ses paveuses de rue, ses serenas ; l’Amérique, son immense bureaucratie féminine, ses conductrices de camions, ses officières ; la Russie, ses bataillons de femmes soldats, commandés par des héroïnes de légende ; et l’Italie, l’Autriche, la Turquie, le Japon, entraînées par la même irrésistible nécessité, mobilisent elles aussi leurs femmes qui viennent, par centaines de milliers, former ou grossir l’armée du travail.