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LE FÉMINISME FRANÇAIS

de suite les préventions se dissipent. En 1914, l’U.F.S.F. compte 9 000 membres groupés dans 45 départements.

Il s’en faut cependant, et de beaucoup, qu’à la veille de la guerre le féminisme ait conquis l’opinion publique et que les politiciens soient prêts à lui donner satisfaction. Par la propagande féministe, les masses profondes de la population sont à peine atteintes. La paysanne ignore, et si elle savait, hausserait les épaules ; les ouvrières viennent à peine au groupement syndical pour la défense de leurs intérêts professionnels ; chez aucune d’entre elles cette foi ardente qui faisait les clubistes de 1848. Scrutez leur pensée, vous apercevrez qu’elles tiennent, suivant la vieille loi biblique dont elles ont oublié la lettre, mais conservé au plus profond d’elles-mêmes l’esprit, l’homme pour leur maître légitime, et ne conçoivent pour elles-mêmes que la subordination, sinon l’obéissance. En vain essayerait-on de leur faire comprendre que le bulletin de vote est une arme puissante dans la lutte pour de plus hauts salaires et de meilleures conditions d’existence et que m les législateurs font les lois pour ceux qui font les législateurs ».

Restent les bourgeoises, et combien peu parmi elles croient sincèrement à la foi nouvelle ! Sans doute la jeune fille a accepté avec joie l’éducation américaine qui la fait libre, l’instruction qui l’élève au niveau intellectuel de l’homme, le flirt où elle domine son ancien vainqueur ; et quelques-unes, à l’exemple des héroïnes de Marcelle Tinayre ou de Colette Willy, pratiquent ce droit de libre disposition du cœur qui les arrache à leur antique escla-