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dévouée de l’homme ou la condamnera-t-il à un splendide isolement ?

Marcel Prévost écrit à une époque où le féminisme n’a pas encore conquis droit de cité, où les adeptes doivent lutter contre l’indifférence et le ridicule ; c’est cette dernière solution qu’il entrevoit. Ses féministes, toutes celles qu’il groupe autour de Léa et de Frédérique et dont il burine de saisissantes eaux-fortes, ont toute l’ardeur, et la sainte colère, et l’absolutisme tranchant des néophytes. Car c’est vraiment une petite Église qu’elles forment. Et les Vierges Fortes représentent un moment et un aspect du féminisme. Doctrine étrangère, cosmopolite, aboutissant au dessèchement de$ sentiments naturels ; tel, à l’aurore du vingtième siècle, apparaît le féminisme à un observateur intelligent.

Brieux, pour qui la sociologie a pris définitivement le pas sur la psychologie, et qui a protesté contre tant d’injustices, mené le bon combat pour l’assainissement moral, crée à son tour le type de la Femme Seule qui, bien qu’elle ait réussi à se faire accepter comme telle de la société, doit néanmoins lutter contre les pièges de l’homme, et pour s’en dégager se déchire cruellement.

L’opposition entre la loi nouvelle, créée par la femme et pour elle, et la société, la nature, l’amour, tels sont également les thèmes sur lesquels les grands écrivains féminins de notre époque brodent leurs variations. Rares sont celles qui, comme Colette Willy, montrent la femme heureuse dans un assoupissement moral que la plus ferme lucidité intellectuelle accompagne… Et cependant ses héroïnes mêmes, émancipées de l’homme, ont à craindre