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Ces idées, Maria Deraisme les répand par le livre, la conférence, et avec une telle largeur de vues, une telle éloquence que ses adversaires mêmes l’applaudissent. Bien des féministes contemporains ont, sans toujours rendre d’ailleurs à César ce qui lui appartient, puisé dans les travaux de Maria Deraisme des idées, des faits, des arguments.

À l’aurore de la troisième république, donc, des femmes de lettres dont on juge la cervelle détraquée et la vie irrégulière, les pétroleuses de la Commune, et Maria Deraisme, champion de la libre pensée, voilà celles qui, devant l’opinion bourgeoise, symbolisent le féminisme. Il semble donc destructeur de la famille, puisque les plus notoires des émancipées sont vieilles filles ou séparées, et lié aux doctrines de bouleversement de l’ordre moral et social. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que l’opinion publique lui soit dans son ensemble franchement hostile : on le ridiculise et, si on le prend au sérieux, on le repousse avec indignation.

Un problème seulement paraît susceptible d’intéresser les hommes d’État et les sociologues : la condition des ouvrières : dès 1869, Jules Simon a écrit le fameux ouvrage où, sous sa vraie couleur, c’est-à-dire terriblement sombre, il peint la vie de l’Ouvrière ; celle des ateliers dont le salaire moyen est de 468 francs par an et à qui, si elle n’est pas victime du chômage ou de la maladie, il restera journellement pour se nourrir douze sous ; celle des usines-casernes, où l’on travaille de cinq heures du matin à huit heures du soir, celle qui, peu à peu, meurt dans sa mansarde.

Déjà il demande qu’on porte la pioche dans les