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regards, l’Égypte, isolée par les mers et l’océan des sables, s’est développée, autonome et sans subir d’influence étrangère. Cette première civilisation égyptienne est féministe. — Nul pays, nul peuple, sans en excepter la Rome des Sévère et l’Amérique de Wilson, n’a fait à la femme plus large place. L’égalité civile et politique, avec la suprématie familiale, tel est alors son lot. Dans la maison, la femme règne et gouverne. Les historiens grecs s’en étonnent, et après eux notre Montesquieu. Elle dirige souverainement la famille, les enfants, souvent son mari même. Maint conte populaire égyptien pénétré de cette même naïveté maligne qui inspirera nos conteurs de fabliaux, montre la femme « portant la culotte ». C’est en tremblant que l’ouvrier rapporte à sa femme son maigre salaire. Seule épouse, la femme est, chez le grand seigneur comme chez le paysan, la vraie reine du foyer.

Son indépendance est d’ailleurs consacrée par la loi. La femme, dit un spécialiste en matière de droit égyptien, « peut vendre, acquérir, faire tous les actes juridiques possibles sans l’autorisation de son mari ». Patrimoine, héritage ou acquêts, tous ses biens lui appartiennent en propre. Le mari n’a pas plus de droits sur eux qu’il n’en a sur la vie de son épouse.

Songeons qu’il a fallu, au début du vingtième siècle, faire des lois sur le libre salaire de la femme mariée. Songeons que, sous le régime du Code Napoléon, la femme française en est encore à attendre le jour lointain où, pour lui permettre la libre disposition de ses biens, le statut familial sera revisé. Force nous est de conclure que, sous le rapport des