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LES GRANDES CAMPAGNES FÉMINISTES

linck, réhabilita l’instinct, fut, pour cette raison même, un panégyriste de la femme. Plus instinctive que l’homme, elle est, dit-il, plus près du divin. « Elle est la lyre dont Dieu touche les cordes. » Aussi doit-elle avoir toutes les libertés que la loi jusqu’ici lui refuse et, avant tout, celle de se marier selon son cœur. De celle-là découlent toutes les autres. « La femme doit pouvoir vivre de son travail pour ne pas tomber dans le pire des crimes, celui de se donner à un être qu’elle n’aime pas. »

Les trop hardis plaidoyers d’Almqvist en faveur de la passion ne convainquirent personne. « La pieuse Suède, offusquée de tant d’audace, voulut environner de silence le pasteur impie, » et y réussit longtemps. Mais d’autres féministes, des femmes celles-là, dont l’esprit était mieux en accord avec celui de leur temps, émirent des revendications dont l’influence fut d’autant plus grande qu’elles les présentaient sous une forme plus modérée.

Tandis que les Françaises se soulèvent au nom du progrès, les Suédoises combattent au nom des vieilles traditions, et tout le caractère du mouvement féministe en est changé. Celles-là sont révolutionnaires ; celles-ci sont conservatrices. Celles-là sont souvent irréligieuses ; celles-ci, profondément religieuses, mystiques parfois. Celles-là, exaltées par le spectacle de deux ou trois révolutions, se livrent à des manifestations bruyantes, fondent des clubs, dirigent des journaux ; celles-ci se contentent de lire pieusement et de commenter, pendant les longues veillées, les ouvrages où l’une d’entre elles aura, sans aucune outrance de forme ou de pensée, sagement exprimé ce que toutes ressentent. Parmi