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LES GRANDES CAMPAGNES FÉMINISTES

Les romancières suédoises. — C’est pendant ces mêmes années enfin que, des brumes du Nord, se dégage un autre féminisme, dont les contours indécis semblent à des yeux latins voilés de brouillard et qui, cependant, se précise pour apparaître dans sa calme blancheur comme une lointaine statue de neige. Il faut, pour en saisir la vraie physionomie, remonter assez haut.

En Suède, les femmes furent pendant le moyen âge des guerrières, walkyries terrestres, qui, « maîtresses en leur logis », ayant la haute main sur « les verrous, cadenas et clefs de la maison », étaient vraiment les égales de leurs maris. Plus tard et jusqu’au début du dix-neuvième siècle, les hommes les laissant bien souvent seules en une ferme ou un manoir isolé, elles administrèrent, intendantes habiles, de vastes domaines et surent lutter âprement pour faire rendre tous ses fruits à une terre froide et dure. Combien d’entre elles durent ressembler à l’héroïne de Selma Lagerlof, cette commandante, « la femme la plus puissante du Vermland, maîtresse de sept forges, habituée à commander et à être obéie » et qui, « les mains noires, une pipe de terre à la bouche, les pieds chaussés de grosses bottes », se dresse devant nous comme une saisissante apparition ! De telles femmes faites pour gouverner entraient souvent au conseil de la commune et y étaient bien à leur place.

Sans théorie, sans déclamation, sans protestation aucune, le féminisme est longtemps pratiqué en