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qui contribuent aux charges de l’État, et c’est pourquoi je le demande pour tous les blancs qui payent l’impôt, sans exclure les femmes, » mais que des raisons d’opportunité empêcheront de réaliser son programme.

Nombreuses alors les grandes figures féminines : Suzanne Anthony, que son audace, son habileté, sa tactique savante, l’ascendant qu’elle prit sur les masses féminines, voire masculines, firent surnommer le Napoléon du mouvement ; Lucretia Mott, la douce quakeresse ; Lucy Stone, qui, l’une des premières, pratiqua la résistance directe et, refusant de payer des impôts qu’elle n’avait pas sanctionnés, vit saisir jusqu’au berceau de sa fille et lui fit sans doute prêter — car elle est aujourd’hui une féministe ardente — le serment d’Hannibal ; et jusqu’à une négresse, une ancienne esclave, Sojourner Trusth qui, dans un meeting, osa plaider la cause des femmes.

Toutes combattent pour elles-mêmes sans oublier la cause qui, d’abord, les a réunies : l’affranchissement des Noirs. À leurs efforts, en grande partie, à leur propagande infatigable est due la transformation de l’esprit public qui, hostile d’abord, est, à l’avènement de Lincoln, universellement favorable à l’émancipation.

La guerre de Sécession éclate, cette guerre qui, militarisant tout un pays, le privant pour la guerre de ses bras producteurs, de ses intelligences créatrices, est apparue non sans raison à quelques historiens comme la préfiguration de la guerre de 1914. Comme en 1914 en Europe, s’opère en Amérique une mobilisation féminine spontanée.