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jugeant en tout cas plus aptes à saisir le mystère et à domestiquer les forces de l’au-delà, leur confiaient de préférence les fonctions religieuses.

Nous savons d’ailleurs que les sujettes terrestres du roi Minos, futur grand juge des enfers, tenaient une place importante dans la vie sociale. Nous les voyons exercer tous les métiers connus alors, y compris celui d’acrobate, d’écuyère et de toréador. La lame d’un poignard ne s’orne-t-elle pas de cette scène de cirque où de jeunes femmes exécutent le saut périlleux au-dessus de la tête d’un taureau ? Il semble aussi que, comme dans d’autres civilisations, la reine participait à la puissance du roi. Au témoignage des historiens grecs, d’ailleurs plus près que nous d’une époque dont ils pouvaient entendre encore se répercuter les échos lointains, la gynécocratie assura à l’ile de Crète une période d’incomparable prospérité. De fait, elle fut alors la reine des mers, et sa civilisation rayonna pacifiquement dans le monde.

À Lemnos, en Carie, dans les îles Cyclades, les peuples qui vécurent avant les Grecs connurent le matriarcat. Dans ces pays, les femmes (c’est encore un historien grec qui parle) « firent tout ce que font les hommes ».

Aux pieds des montagnes pyrénéennes, les mêmes usages se maintinrent jusqu’en pleine époque classique. Chez les Cantabres (Navarre actuelle), les femmes furent renommées pour leur vaillance. D’ailleurs les fières matrones et les vierges hardies qui partageaient avec leurs frères et leurs époux les périls de la guerre, et qui se montraient plus habiles, plus actives qu’eux dans les arts de la paix