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des champs. Et à chacun est dévolue sa fonction particulière. Celui-ci recueille le bois, celui-là construit ou répare la yourte de feutre, cet autre paît les troupeaux.

Et naturellement, seule la voix féminine s’élève au foyer !

Comme la polyandrie, la famille féminine, c’est-à-dire la transmission par la mère et non par le père du nom et des biens, est une survivance, et des plus évidentes, du matriarcat. Ce régime familial est le seul que connaissent aujourd’hui encore les indigènes australiens, les aborigènes de l’Inde, les Siènas ou Senoufs du Niger, la plus grande partie des tribus peaux-rouges du nouveau monde et des peuplades sauvages de la Sibérie. L’antiquité classique conserva le souvenir d’organisations semblables. Tels ces Lyciens qui, dit Hérodote, s’appellent du nom de leur mère et non pas du nom de leur père, les Crétois, pour qui la patrie fut la mètrie, les Étrusques, chez qui la noblesse se transmit par les femmes, et peut-être, s’il faut en croire certains historiens, les plébéiens de la Rome primitive : ceux-ci, dont la vie sociale et religieuse était si différente de celle des patriciens que, à en croire leurs maîtres, ils n’avaient pas plus que les bêtes de vie sociale ni de religion, n’auraient connu que la famille féminine. Et la lutte du patriciat contre la plèbe serait un des épisodes de la lutte du patriarcat contre le matriarcat.

Jusqu’à une époque toute récente, et dans nos pays mêmes, le matriarcat survit en de bien curieuses coutumes locales. Dans certaines vallées des Pyrénées, celle de Barèges par exemple, où l’isolement au mi-