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au travail. Poindre seulement, car les féministes, hommes ou femmes, ne vont jamais jusqu’au bout de leur pensée et, comme effrayés de leur propre hardiesse, se gardent bien de tirer la seule conséquence logique de leur argumentation : la mise en pratique, dans la famille et dans la société, de l’égalité des sexes.

Le féminisme reste controverse littéraire, voire simple jeu de l’esprit. Un exemple, et le plus caractéristique : Mme  de Coicy, ayant posé en principe l’égalité naturelle des sexes, ayant constaté que les femmes, malgré leurs aptitudes, sont exclues de la plupart des professions ou métiers, l’ayant fait avec vigueur, documentation, habileté, tire de son exposé quelle conclusion ?… Celle-ci seulement, qu’il faut créer pour les femmes un ordre de chevalerie. La montagne accouche d’une souris.

Pour quelle raison cette singulière timidité ? C’est que la question féminine ne se pose pas encore au dix-huitième siècle comme de nos jours. C’est qu’à part de très rares penseurs doués d’une observation plus aiguë que leurs contemporains[1], la misère de la femme qui travaille n’apparaît pas dans toute sa tragique horreur, ni la réforme du statut féminin comme le seul remède à cette misère ; c’est que les femmes qui pensent et qui écrivent, quoique moins satisfaites de leur sort que ne le furent leurs aïeules, restent des privilégiées à qui, en dépit de leurs

  1. Tel Mercier dans son Tableau de Paris.