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Pour diriger les servantes, allaiter les enfants, point n’est besoin d’une haute culture intellectuelle. D’ailleurs la fragile raison féminine ne saurait trouver elle-même la vérité. Que la femme accepte des opinions toutes faites. Qu’elle ait la religion de son père ou de son mari et qu’elle ne s’avise pas de lire les ouvrages de génie « qui passent sa portée. Coudre, broder, lire, voilà un suffisant bagage.

Renchérissant encore sur le maître, les disciples trouvent ce programme trop élevé : Restif de la Bretonne voudrait établir une réglementation telle qu’elle ne permît qu’à un très petit nombre de femmes de s’instruire. Car si l’on veut remettre les femmes à leur vraie place pour réformer la société, il est nécessaire de les priver des lumières… Plus tard Sylvain Maréchal voudra interdire aux femmes d’apprendre à lire.

Bien que tous les antiféministes puissent avec raison se réclamer de lui, Rousseau ne laisse pas que d’être jusqu’à un certain point féministe. Ne revendique-t-il pas, dans la Nouvelle Héloïse, la liberté du cœur ? Ne s’élève-t-il pas contre les lois et les préjugés absurdes qui empêchent deux êtres faits l’un pour l’autre de_s’unir ? Par là il est un précurseur du féminisme romantique : et Indiana, Lélia, Valentine, toutes les héroïnes romantiques de George Sand, sont des filles spirituelles de Julie.

La plupart des autres philosophes pensent tout autrement. Dans maint passage de ses œuvres, Diderot, avec une logique rigoureuse qui n’exclut pas