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pas encore éclipsé le droit plus naturel de la mère. Le matriarcat a précédé le patriarcat.

Théorie curieuse, séduisante, et qui soulève des polémiques passionnées. Bachofen a-t-il complètement raison ?

En l’état actuel de la science, la question ne peut encore être tranchée avec certitude.

L’une des théories au moins de Bachofen apparaît aujourd’hui comme parfaitement justifiée : la préexistence à la famille paternelle de la famille maternelle. Observons nos frères inférieurs les animaux, et, sans remonter jusqu’aux hyménoptères sociaux, sans considérer la ruche, ni la fourmilière, républiques femelles d’où le mâle est rigoureusement banni, regardons les mammifères ; c’est autour de la femelle, et d’elle seule, que se constitue la famille. À l’antre du félin, au terrier du renard, ou dans les demeures que les hommes ont bâties pour le chien ou le chat, le mâle n’est qu’un hôte de rencontre. Il passe et s’enfuit. La femelle demeure avec les petits. Elle est le véritable chef de famille, donc le monarque de cet embryon de société. La nature d’ailleurs lui a départi autant de force, autant d’agilité, autant de courage qu’au mâle. Souvent elle le surpasse par la taille et la vigueur. Ce n’est donc pas le droit du plus faible que la société animale consacre.

Les premières sociétés humaines ressemblent par plus d’un trait à ces sociétés animales. Le premier groupement social, le clan, fut sans doute formé par les femmes et leur progéniture. La seule filiation légitime, parce que la seule qui apparaissait évidente aux primitifs, était la filiation par les femmes. Comme le disent en effet les sociologues, la mater-