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au despotisme marital, toujours consacré cependant par la loi. Comme celle du monarque, l’autorité du père de famille, absolue en théorie, est, en pratique, de plus en plus limitée. Peu à peu les mœurs accordent ce que refusent les lois.

Enfin, comme l’a fort bien remarqué Goncourt, le dix-huitième siècle est, par excellence, l’âge où le plaisir est dieu. N’est-il pas naturel que la femme, sa grande prêtresse, soit souveraine ? Aussi nulle époque ne professa-t-elle le culte de la femme avec autant d’ardeur. À la cour et à la ville, à Versailles et dans les petites cités provinciales, « la femme est le principe qui gouverne, la raison qui dirige, la voix qui commande… elle est la cause universelle et fatale, l’origine des événements… elle tient tout, le roi et la France, la volonté du souverain et l’autorité de l’opinion. Elle ordonne à la cour ; elle est maîtresse au foyer.

« Les révolutions des alliances et des systèmes, la paix, la guerre, les lettres, les arts, les modes du dix-huitième siècle aussi bien que ses destinées, elle les porte dans sa robe, elle les plie à son caprice ou à ses passions… Point de catastrophe, point de scandale, point de grand coup qui ne vienne d’elle… la femme touche à tout, elle est partout. Elle est la lumière, elle est aussi l’ombre de ce temps dont les grands mystères historiques cachent toujours, dans leur dernier fond, une passion de femme[1]. »

Cet être cependant dont le monde et la république des lettres placent sur un piédestal la triomphante fragilité, qui guide les arts par le bon goût et la

  1. Ed. et J. de Goncourt, la Femme au dix-huitième siècle.