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Ainsi qu’à toutes les époques où les traditions sont critiquées, les dogmes anciens discutés, où s’opère une révision générale des valeurs, la question se pose de savoir si la place que les lois et les mœurs attribuent aux femmes est bien celle qu’a voulue leur donner la nature, si l’idée que le vulgaire se fait d’elles est conforme à l’ordre universel des choses et à la pensée du Créateur. À la voix de Luther, d’Érasme, de Rabelais, répondent les voix de Guillaume Postel, de Marguerite de Navarre, de Modesta Pozzo, de Cornélius Agrippa. Tandis que ceux-là réforment la religion ou se rient de la sottise humaine, ceux-ci battent en brèche le préjugé des sexes. Ainsi en sera-t-il à l’ère des philosophes et de la Révolution.

Déjà, d’ailleurs, les femmes se sont émancipées par l’esprit. Nulle grande dame dans l’Italie du Quattrocento et bientôt nulle bourgeoise qui ne tienne à honneur de lire les deux idiomes où s’enferme tout le trésor de beauté, d’écrire des vers dans sa langue natale et de s’entourer d’une cour de beaux esprits. Aussi instruite que l’homme, souvent aussi libre, et d’allure et de mœurs, souvent aussi tenace, aussi nietzchéenne dans le désir de vivre sa vie, la femme italienne a conquis la plus large place dans la société. Ce n’est pas toujours en amateur qu’elle use de sa science. Elle est poétesse, humaniste, voire professeur d’université, et l’on rend hommage à son génie.

Le souffle parti des rives du Tibre ou de l’Arno anime l’Espagne, la France, l’Angleterre. La première a ses théologiennes et ses prédicatrices, qui n’ont pas seulement la foi, mais l’érudition ; la