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célestes cohortes autour du dieu incréé ? Il façonna de ses mains une femme et, d’une brèche en la muraille de diamant du palais divin, la fit apercevoir aux bienheureux. Remués de désir, ceux-ci s’échappent, plus nombreux que les abeilles d’une ruche, et tombent sur la terre. Et le Seigneur, voyant déserts les célestes jardins, s’écrie « que plus jamais une femme ne rentrera en paradis ». Anathème bien plus rigoureux que celui dont fut frappée Eve par Jéhovah !

Et cependant, par une de ces contradictions fréquentes dans l’histoire intellectuelle du moyen âge, les doctrines albigeoises aboutirent, en pratique, à un développement nouveau du féminisme.

La conception que les hérétiques se firent du mariage est éminemment favorable à la femme. L’idéal, pensent les docteurs de la nouvelle loi, c’est pour tout homme, pour toute femme, le célibat. Car c’est un grand mal que de perpétuer cette humanité corporelle qui, parce qu’elle est matière, est création de Satan.

Mieux vaudrait, par l’extinction de tous les hommes, libérer tous les esprits, qui, dégagés de leur prison de boue, s’anéantiraient, bienheureux, dans l’âme éternelle du monde, pure de tout alliage charnel. Mais seule une élite peut, sur la terre déjà, s’affranchir de la matière et renoncer aux joies trompeuses, mais séduisantes, du monde. Ceux-là sont les Parfaits, qui ont abjuré toute joie et tout commerce avec le monde. La masse des fidèles est incapable d’une telle grandeur d’âme. Va-t-on cependant la laisser s’engager dans les liens éternels du mariage ? Non, mieux vaut pour le vil troupeau