Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

avec une grossière furie ; et si la première partie du Roman de la Rose, œuvre de Guillaume de Lorris, est un hymne au dieu Amour et à la Femme sa grande prêtresse, la seconde partie du même poème, celle-ci du misogyne Jehan de Meung, écrase les femmes d’un mépris brutal.

Donc, féminisme en pratique, mais, en théorie, antiféminisme, celui-ci imprégnant tellement droit, littérature vulgaire, théologie que, malgré les thèses contraires soutenues avec éclat par la littérature courtoise, — littérature d’une peu nombreuse élite, — malgré le démenti que donnent à l’opinion commune les institutions et les mœurs, le préjugé du sexe règne toujours, et avec d’autant plus de force que peu à peu les institutions féodales déclinent devant la puissance du roi.

L’injuste mépris que l’on professe pour elles suscite-t-il de la part des femmes cette réaction qui est l’essence même du féminisme ? Parfois. Et lorsque le prédicateur Jacques de Vitry appuie du fabliau du Vilain Mire[1] un sermon sur la malice féminine, il est interrompu par les murmures de toutes les femmes qui ne peuvent dissimuler leur colère, même dans le saint lieu. Cependant, comme en pratique la femme était libre et souvent maîtresse, comme la vie sociale lui était largement ouverte (à la femme noble par les droits féodaux, à la roturière par les corporations), elle prenait en général son parti des épigrammes.

  1. Thème du Médecin malgré lui.