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de la plupart des fabliaux, le thème d’innombrables sermons.

Pour le sermonnaire, nourri de saint Paul, de saint Thomas et de Tertullien, la femme reste l’être fantasque et pervers que le Malin dépêcha sur terre pour la perdition du monde. Ne sont-elles pas l’image même de Satan, ces femmes qui se promènent, la taille serrée, le sein découvert, leurs cheveux d’un blond artificiel tirés en cornes et qu’affolent la danse et tous les plaisirs ? Leur vanité s’accroît avec leur luxe, et leur esprit d’indépendance avec leur vanité. Faites pour obéir, les voilà qui s’insurgent contre leur seigneur légitime et qui, dominatrices au foyer, paraissent bientôt au forum où, au détriment de la république, elles tranchent des affaires de la communauté, ce les troublant plus d’ailleurs qu’elles ne les arrangent ». Elles usurpent l’autorité sénatoriale, et leur place est à filer de la toile au gynécée !

Les conteurs et les jongleurs ne sont pas de moins farouches adversaires ! L’esprit des fabliaux, rondeaux, lais et virelais que les conteurs du Nord débitent sur les places publiques des cités flamandes, dans les châteaux de l’Ile de France ou de la Touraine, se résume en cet article de foi : « La femme est un être dégradé, vicieux par nature. » Avare et dépensière, d’une obstination à faire damner les saints, et plus changeante qu’un ciel d’orage, menteuse, perfide, querelleuse, nul défaut qui lui soit étranger. L’homme veut-il être heureux, il ne doit être pour elle qu’un tyran impitoyable. Qu’elle s’émancipe, et nul ménage, nulle république qui se puisse tenir en paix. Au quatorzième siècle encore, un pamphlétaire, Mattéolus, attaquera les femmes