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manifester l’activité féminine en des domaines où, jusqu’ici, la femme n’avait pas eu place : ouvrières métallurgistes, notaires, ingénieurs, diplomates, chefs de cabinet, directrices d’usines, mairesses, voire soldats, les femmes ont montré, de la même manière que le philosophe antique prêchait le mouvement, l’injustice du préjugé des sexes. Une moitié du monde a présentement accordé le droit de vote au sexe faible. L’Angleterre, la Suède, le Danemark ont leurs électrices, leurs conseillères municipales ; l’Amérique ses représentantes aux Parlements locaux, aux Conventions préparatoires de l’élection à la présidence[1], au Congrès ; l’Australie, la Nouvelle-Zélande ont eu leurs députées, voire leurs ministresses ; l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Tchéco-Slovaquie voient des femmes diriger des partis politiques, monter à la tribune et interpeller le gouvernement. Enfin la république des Soviets fut, à beaucoup d’égards, une véritable république des amazones. Et si l’élite féminine a su, partout, et pour le bien et le mal, montrer sa puissance dominatrice et sa prodigieuse faculté d’adaptation, partout le peuple innombrable des campagnes et des villes, presque exclusivement féminin à l’heure où la tranchée et le bureau aspirent l’homme, fut la force vivante des nations. Des millions de femmes ont quitté le rouet antique ou l’aiguille pour, dans les usines, antichambres de l’enfer guerrier, forger les instruments de mort sans lesquels leur pays n’aurait pu continuer à vivre. Par dizaines de millions, les paysannes se sont penchées, seules sur

  1. Récemment, une négresse a été désignée parmi les membres de la Convention.