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s’occuper d’elle, on la pose à terre sur quelques vieux lambeaux et l’on place auprès d’elle des briques et des tuiles, symboles de l’abjection et des maux qui toute sa vie doivent l’accompagner[1]. » De fait, on se débarrasse de la petite fille comme d’un objet encombrant. Jusqu’au dix-neuvième siècle on la vend, l’expose ou la tue ; si par pitié on la garde, elle est, depuis l’âge de dix ans, rigoureusement cloîtrée.

Mariée, elle doit suivre son mari comme une esclave suit son maître, esclave non de son mari seulement, mais des parents de son mari, vraies divinités domestiques dont la bienveillance ou le courroux dirigent toute sa vie, vrais despotes qui ne lui laissent la libre disposition ni de ses occupations, ni de ses meubles, ni de ses colifichets féminins. Certes ce n’est pas en Chine que la belle-mère — celle de la femme, car celle du mari est pour lui une étrangère — est un personnage de vaudeville. Qu’une épouse parle mal à l’un de ses beaux-parents, et le mari peut la tuer sans s’exposer à d’autre peine que cent coups de bâton ! Et que dire des secondes épouses qui, outre la tyrannie du mari et celle de ses parents, subissent encore celle de la première épouse, heureuse de trouver une Cendrillon sur qui venger ses humiliations et qui fera sa joie de l’astreindre aux plus répugnantes corvées !

Bien fortes, bien intelligentes et bien dignes d’admiration celles des Chinoises qui osèrent faire effort pour soulever les lourdes pierres — bien plus lour-

  1. Car, explique Pan-Hoeï-Pan, les tuiles sont faites pour être exposées aux injures de l’air, les briques pour être foulées aux pieds.