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Entre le royaume des femmes et celui des hommes, la guerre dura longtemps ; et comme ceux-ci étaient plus forts, celles-là plus habiles, nul avantage décisif ne fut obtenu. L’amour devait faire pencher la balance. Un jour, une trêve fut conclue, et, pour la sceller, guerriers et vierges se réunirent en un grand festin.

Imprudentes ! dit un chroniqueur ; elles avaient introduit le loup dans la bergerie. On fraternisa d’abord autour des grands feux, où rôtissaient des quartiers de venaison, et des coupes pleines. Et sans doute les farouches guerrières trouvaient quelque douceur à poser leurs têtes sur des épaules masculines.

Soudain, l’un des jeunes gens s’écria :

Vous avez assez festoyé, assez bu, assez mangé,
Écoutez de résonner à nos oreilles l’éclatant appel de Vénus.
Debout !

À ce signal, chacun des guerriers bondit sur sa voisine, l’enlève et l’emporte à Wisegrad ; la torche est portée au fier burg des Vierges… Depuis lors, les femmes de Bohême retournèrent sous la puissance des hommes.

Telle est la légende racontée par les vieux chroniqueurs tchèques. Sans doute y aperçoit-on facilement des souvenirs de l’épopée hellénique du cycle des Amazones et également de l’enlèvement des Sabines. N’importe, nulle légende n’est inventée de toutes pièces, et il est possible qu’à l’aube de l’histoire bohémienne, quelque femme ait songé, d’une manière ou d’une autre, à s’affranchir du joug masculin.