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Chroniques russes, le folklore tchèque et polonais conservent le souvenir de mainte héroïne, fille du peuple ou princesse, dont les exploits sont ceux d’une Jeanne d’Arc ou d’une Jeanne Hachette : telle cette Marfa qui fut l’incarnation dernière du particularisme de Novgorod-la-Grande et pendant des mois défendit la ville contre les troupes du tzar. N’est-ce pas d’ailleurs par les femmes que le christianisme fut introduit en Russie, comme en Occident chez les Francs et les Anglo-Saxons ? N’est-ce pas la grande princesse Olga qui, éblouie la première par les pompes de Sainte-Sophie, apporta en Russie cette civilisation byzantine qui devait être fatale à son sexe ?

Si libres fussent-elles, et même aux premiers siècles du Moyen Âge, les femmes slaves n’étaient pas pleinement les égales des hommes. Elles devaient, dans le mariage, obéissance et, suivant l’opinion commune, le sexe fort était plus apte à la guerre et au gouvernement. S’il faut en croire les chroniqueurs, venus, il est vrai assez longtemps après les événements, elles auraient désiré l’égalité complète, mieux, la suprématie, et la Bohême saurait être, au huitième siècle de notre ère, le théâtre de la première grande révolte féminine qu’avant celle des suffragettes ait connue l’humanité.

Libussa, fille de Crocus, fondateur de Cracovie, qui, après avoir élevé jusqu’au trône Prémysl, bel et vertueux laboureur, — c’était aux reines ici d’épouser des bergers, — devint veuve et gouverna seule de longues années. Son règne fit, des confins du royaume franc aux sauvages forêts des Carpathes, refleurir l’âge d’or. Lorsqu’elle fut morte, les fem-