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ques de domination et de prestige féminins, la vie mondaine rayonne alors de tout son éclat. Or, dans le monde, à toute époque, la femme est reine. Combien son pouvoir sera plus grand en une société où l’amour, et un tel amour, vraie religion, tient une si grande place ! « Maudit soit le chevalier qui demande conseil à une femme lorsqu’il faut tournoier, » dit le héros d’une chanson de geste du douzième siècle… Et au treizième, la femme fait mieux que présider les cours d’amour ; elle préside le tournoi, pare les chevaliers de ses couleurs, donne au héros l’écharpe, le gant ou le mouchoir, menus gages d’amour, dont tout à l’heure sa valeur va s’exalter. Qu’une femme présente à l’assemblée ait eu à se plaindre d’un chevalier, et elle le peut faire honteusement exclure du tournoi. Car celui-là seul est vrai chevalier qui n’a jamais manqué aux obligations qu’il doit aux dames. Et voilà les femmes investies d’une juridiction d’honneur sur ces fiers barons qui, naguère, les renvoyaient à leur quenouille. D’ailleurs n’est-ce pas pour elles, pour elles seules que l’on combat ? Il ne s’agit plus à présent de déployer brutalement sa force, pour le seul plaisir de se sentir vigoureux et souple, mais de faire la roue devant les tribunes toutes fleuries de nobles dames et de gentes damoiselles, dont l’une va investir le vainqueur du gracieux « chapel de roses ».

Parfois, la guerre même devient un tournoi où le chevalier encore frappe de beaux coups pour sa belle. Témoin cette anecdote citée par Froissart :

« Sous les murs de Cherbourg assiégée par les armées de Charles V, Français et Anglais cessèrent de combattre, pour permettre à un écuyer anglais