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APPENDICE.

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ne portaient pas si haut leur tète dans le paradis de Dieu, et que n’égalait point la cime des pins, est vaincu par le sexe fragile ; le plus terrible des archanges est abattu par une faible femme ! Ce combat que vous avez livré est pour le Créateur un grand sujet de gloire, et pour le tentateur un sujet de confusion profonde. Cette lutte rappelle, à sa honte, qu’il fut non-seule- ment insensé, mais singulièrement ridicule d’aspirer à élever sou front jusqu’au niveau de la sublime Majesté, lui qui ne peut même pas triompher de la faiblesse d’une femme. Le front de la victorieuse, en récompense d’une telle vieloire, reçoit du Roi des cieux une couronne de pierreries ; ainsi, plus elle était faible par la chair dans le combat qu’elle a livré, plus elle apparaîtra glorieuse dans la récompense étemelle.

Ceci, nia très-chère sœur en Notre-Seigneur, je ne le dis point pour vous flatter, mais comme exhortation à envisager l’éniinencc du bien que vous poursuivez depuis longtemps, et à le conserver avec sagesse ; en sorte que vos exemples et vos paroles enflamment, suivant la grâce que Dieu vous a départie, le cœur des saintes qui servent avec vous le Seigneur, et qu’elles soutiennent la lutte avec le même zèle. Vous êtes, bien que femme, un des animaux de la vision du prophète Ézéchiel ; vous ne devez pas seulement brûler comme un charbon ; mais, comme une lampe, \ous devez à la fois brûler et éclairer. Vous êtes disciple de la vérité ; mais pour le rôle dont la charge vous est confiée, vous êtes eu même temps maîtresse d’humilité. L’enseignement de l’humilité et de toutes les célestes pratiques vous est imposé par Dieu. Aussi devez-vous veiller non-seulement sur vous-même, mais sur le troupeau qui vous est confié ; responsable de la communauté, vous recevrez une récompense supérieure à la commu- nauté. Oui, une palme vous est réservée entre toutes ; vous ne l’ignorez pas, t toutes celles qui, sous votre direction, auront vaincu le monde et le prince du monde, vous prépareront autant de triomphes, autant de glorieux tro- phées auprès du Roi et du Juge éternel.

Au surplus, il n’est pas sans exemple dans l’humanité que des femmes aient commandé à des femmes ; quelquefois même on les a vues prendre les armes et accompagner les hommes sur les champs de bataille. Et, s’il est vrai, comme on le dit, que nous pouvons recevoir des leçons même d’un ennemi, ne voyons-nous pas que, chez les Gentils, la reine des Ama- zones, Pcnthésiléc, au rapport de l’histoire, combattit plusieurs fois, pen- dant la guerre de Troie, avec son armée, non d’hommes mais de femmes ; et que, même chez le peuple de Dieu, la proptu’tcsse Débora anima, dit-on, Barach, juge d’Israël, contie les idolâtres ? Pourquoi donc les femmes qui marche» t aux combats de la vertu contre le fort revêtu de ses armes ne pourraient-elles conduire les armées du Seigneur, quand Penthé>ilée, bra- vant ce qu’on appelait les convenances, ne craignit pas de combattre les ennemis de son propre bras ; quand notre grande Débora souleva, arma,