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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES DABÉLARD. 521

lion, il faut que chaque homme ait sa femme, chaque femme son mari. » Le mieux dans sa pensée, c’est donc de se livrer au commerce du mariage, mais pour Dieu, non pour nous, et de songer à engendrer des enfants pour lui et non dans un intérêt personnel. Telle est si bien la pensée du docteur cité, qu’il ne classe pas le mariage dans la catégorie des choses ayant besoin d’indulgence. Il l’affranchit de toute faute, et non-seulement il ne demande pas de l’éviter comme coupable, mais il veut qu’on le recherche comme louable.

A ses yeux, en effet, ceux qui recherchent les douceurs du commerce charnel dans l’intention convenable, c’est-à-dire en vue d’engendrer des enfants, ceux-là sont excusés, alors même qu’ils s’y livrent en dehors de cette intention. Ainsi démontre-t-il que le mariage est chose bonne en soi, et non comme moyen d’éviter la fornication. C’est en ce sens qu’il dit dans le livre déjà cité, du Bien du Mariage : « On demande si le bien du mariage, que le Seigneur a consacré dans l’Évangile, non-seulement en défendant de renvoyer celle qu’on a épousée, si ce n’e>t comme coupable de fornication, mais eu assistant de sa personne à dt-s noces auxquelles il avait été invité, on demande si ce bien est véritablement un bieu : je réponds oui, et cela, non-seulement à cause de la génération des enfants, mais à cause du lien naturel qui rapproche les deux sexes. n Et ailleurs : « Telle est la force du lien qui unit les époux que, formé en vue de la génération des enfants, il ne peut pas être rompu même en vue de la génération des enfants. Un homme pourrait croire qu’il a le droit de renvoyer une épouse stérile et d’en prendre une autre pour en avoir des enfants : non, il n’a pas ce droit. » Et ailleurs : « Il faut considérer que parmi les biens que Dieu nous donne, les uns sont dignes d’être recherchés pour eux-mêmes : telles la sagesse, la santé, l’affection ; d’autres sont nécessaires à quelque chose : tels l’instruction, le manger, le boire, le dormir, le mariage, le commerce de la chair. De ces derniers, les uns sont nécessaires en vue de la sagesse, comme l’instruction ; les autres en vue de la santé, comme le manger, le boire, le dormir ; d’autres en vue de l’affection, comme le mariage et le commerce de la chair. Telle est, en effet, la base de la propagation de l’espèce humaine, et les sentiments d’affection y sont un grand bien. Donc celui qui n’use pas de ces biens qui sont nécessaire s en vue d’autre chose, pour ce en vue de quoi ils ont été établis, se rend coupable soit de péché véniel, soit de péché mortel. Mais celui qui en use conformément au but pour lequel ils ont été institués fait bien. » Et ailleurs : « A mon avis, ceux-là seuls, en ces temps-ci, qui ne sont pas voués à la vie religieuse, doivent contracter mariage, suivant le conseil de l’Apôtre : s’ils ne se vouent pas à la vie religieuse, qu’ils se marient : mieux vaut, en effet, se marier que d’être brûlé des feux du désir. » Pour eux, le mariage n’est pas un péché ; si on le contractait en vue de la fornication, ce serait moins un péché que la fornication, ce serait toutefois un péché.