Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres II.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée

QUESTIONS d’Héloïse ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 517

grec, le texte hébreu a subi quelques additions. De même encore,’ dans le livre des Hommes illustres à la fin duquel saint Jérôme s’est lui-même fait une place, son âge et la date de sa mort ont été ajoutés par une main étrangère.

QUARANTE-DEUXIÈME QUESTION d’hÉLOÏSE.

Nous demandons si Ton peut être coupable, en faisant une chose permise ou même ordonnée par Dieu.

Réponse d’Abélard.

A vrai dire, la question est grave. 11 s’agit de savoir si, tant dans l’ancien peuple que dans le nouveau, le commerce de la chair dans le mariage, le- quel sert à la transmission du péché originel, est un péché.

Dans l’ancien peuple, le Seigneur, par un de ses commandements, bien plus, par la malédiction prononcée par la Loi contre ceux qui ne lais- saient pas de postérité à Israël, le Seigneur obligeait a la génération des en- fants. Ce n’est pas seulement avant le péché qu’il dit aux premiers parents : « Croissez, multipliez et remplissez la terre ; » il répète cet ordre à Noé et à ses fils après le déluge. Sur cette malédiction de la Loi dont je parle et qui obligeait les hommes à propager la race, saint Jérôme dit dans un passage du Traité contre Helvidius touchant la virginité perpétuelle de sainte Marie : « Tant qu’a régné cette loi : croissez, multipliez et remplissez la terre, • et celle-ci : t Maudite soit la femme stérile qui n’a pas laissé de postérité dans Israël 1 » hommes et femmes, tous se mariaient. Tel est aussi le sens de ce passage de saint Augustin dans son livre sur le Bien du Mariage : a Jean observait la continence en action, et Abraham, en intention seule- ment. En ce temps-là, en effet, la Loi, se conformant à la vie des patriar- ches, frappait de malédiction celui qui ne laissait pas de postérité en Israël ; et pour ne se pas produire au dehors, la continence n’était pas moins dans le cœur. » Le même dit encore dans son Traité à Julianus sur la conserva’ lion du veuvage : « Si j’ai écrit que Ruth était heureuse et Anne plus heu- reuse, l’une pour avoir été unie à : es divers époux, l’autre pour être restée longtemps veuve après un premier mariage, ce n’est pas à dire que vous puissiez vous considérer comme meilleure que Ruth. Autre, en effet, était la loi imposée aux saintes femmes au temps des prophètes. C’était l’obéissance, non la concupiscence qui les poussait au mariage : elles devaient travailler à la propagation du peuple de Dieu, pour qu’il en sortît le corps du Christ. »

Maudit était, effectivement, par l’arrêt de la Loi, en vue de celte propa- gation, celui qui ne laissait pas de postérité en Israël. Ce n’était donc pas le désir du commerce charnel, mais le zèle de l’obéissance qui enflammait le cœur des saintes femmes ; et l’on peut croire qu’elles n’auraient assurément