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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 485

VINGT-TROISIÈME QUESTION d’hÉLOÏSB.

Que signifie ce passage de saint Luc : « Rends au Tout-Puissant, et si l’on te prend ce qui esta toi, ne le réclame pas ? »

Réponse (TAbélard.

Quand il dit : « Rends, » il n’ajoute pas : ce qu’il demande ; mais il veut faire entendre par là que nous ne devons pas renvoyer celui qui nous demande sans lui donner quelque chose ; nous devons, du moins, nous excuser convenablement, de façon à ne point l’irriter, et l’édifier par des paroles de charité. Une réponse gracieuse ou convenable est une sorte de présent.

Quant à ceci : « Ne réclame pas ce qui est à toi, » cela veut dire que le mobile de la réclamation doit être Dieu plutôt que soi-même. Uu religieux ne passe pas la mesure lorsqu’il réclame en vue de Dieu ce qui lui a été donné pour être offert à Dieu, l’applique à de louables usages, et le sauve des mains des méchants. En effet, lorsqu’un peu plus bas le Seigneur ajoute : « Si vous chérissez ceux qui vous chérissent, et que vous fassiez du bien à ceux qui vous font du bien, quel est le mérite ? » Quand il dit : t Ceux qui vous chérissent, » c’est la même chose que : « Ne réclamez pas ce qui est à vous. » « Vous » est là comme ce qui est à vous. Il serait injuste que nous ne chérissions pas ceux qui nous chérissent, quand il nous est prescrit de nous aimer tous les uns les autres, et surtout de ne pas aimer Dieu qui nous aime, comme il le dit lui-même en ces termes : « J’aime qui m’aime ;» lui que nous devons aimer d’un souverain amour, parce qu’il est souverai- nement bon, non parce qu’il nous fait du bien. Telle est la règle de la charité : nous devons chérir le prochain, en proportion de ce qu’il vaut et de ce qu’il mérite, c’est-à-dire que nous devons souhaiter son bien, suivant les voies de la Justice.

VUIGT-QOATRJÈMB QUESTION D’HÉLOlSE.

Quel est le sens de cette parole du Seigneur : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort t » Est-ce que celui qui mange du produit d’un vol ou d’une chose qu’il croit défendue bien qu’elle soit permise, ou qui reçoit l’Eucharistie dans des conditions indignes, n’encourt pas la tache du péché ? L’Apôtre dit de certains Juifs convertis et qui, suivant la Loi, distinguent encore certains aliments comme immondes : « Celui qui distingue entre les aliments est condamné, parce qu’il ne mange pas selon la foi : or, tout ce qu’on ne fait pas selon la foi est un péché. » Il dit encore de ceux qui, par respect pour une idole, se nour- rissaient des viandes offertes aux idoles : « Quelques-uns, par respect pour