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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES DWBÉIARD. 461

de la terre ? i Et disant cela, saisi de terreur, il pensera avec tremblement, s’il sent en lui poindre quelque espérance, à ne point se laisser vaincre par l’orgueil qui ne triomphe que des vertus.

Et pour ne point se laisser exalter par les vertus, il faut être humilié par les persécutions ; il faut que la vertu de l’homme soit consacrée par la patience, qui seule rend vraiment doux de cœur ceux qui sont pauvres en esprit. 11 tendra donc la joue aux soufflets et se laissera abreuver d’injures : qu’on l’outrage en fait ou en parole, il trouvera dans ces outrages le charme d’une satisfaction douce. Celui qui se réjouit d’être outragé pour Dieu tend la joue aux soufflets. Celui qui a peur des injures ou qui les souffre malgré lui retire sa joue. Quant à la raison qui fait que le juste supporte de bon cœur ces mauvais traitements et se réjouit de ses souf- frances, elle est indiquée dans ces paroles des apôtres : « Ils allaient se réjouissant loin des regards de l’assemblée, heureux d’avoir été reconnus dignes de souffrir l’injure pour le nom de Jésus. • Et il est ajouté, suivant les paroles du Prophète : « Parce que le Seigneur ne les réprouvera pas dans l’éternité. » Le juste, en cette vie, parait repoussé de la grâce de Dieu et livré à toutes les misères. C’est ainsi qu’il a été écrit : « Nous l’avons vu avec douleur méprisé et traité comme le dernier des hommes, car il sem- blait que ce fût un lépreux ; nous l’avons cm frappé, humilié par la main de Dieu. » De ce dédain, de ce rejet de Dieu, lorsqu’il ne nous protège pas dans l’adversité, on dit : « Mon Dieu, tu nous as rejeté. » Mais Dieu, je le répète, ne nous rejette que pour mettre noire vertu à l’épreuve, et pour nous donner la couronne après la victoire ; Dieu est l’espoir des affligés, leur triomphe, et c’est ce que veut dire ce mot : i Parce que le Seigneur ne les repoussera pas pour toujours, » c’est-à-dire parce qu’il mettra un terme aux épreuves de ceux qui auront été affligés et non aux épreuves de ceux qui l’auront affligé.

Et il faut remarquer que le Seigneur, en donnant aux Apôtres le Nou- veau Testament, appelle, dès l’abord, leur attention sur la pauvreté, les engagea échanger contre les jouissances de la lierre la félicité du ciel, et distingue manifestement la récompense de l’Évangile de la récompense de la Loi, la récompense de l’Évangile qui promet le bonheur du ciel, de celle de la Loi qui promet seulement les jouissances de la terre comme prix de l’obéissance. En effet, le peuple charnel d’Israël, plus occupé des biens de la terre que de ceux du ciel, a reçu en récompense ce qu’il désirait. 11 devait être amené à l’obéissance par l’objet de ses désirs ; il fallait que celle promesse, du moins, le détournât du mal, si son esprit ne pouvait encore être guéri de l’iniquité. Car, ainsi que le dit l’Apôtre : « La Loi n’a rien amené à la perfection ; » elle n’a connu la perfection ni dans les promesses, m dans les commandements.

«Heureux ceux qui pleurentl » L’affliction convieut particulièrement aux religienx, qu’elle ait pour cause le repentir des fautes, ou la tristesse