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QUESTIONS D’HÉLOÏSE ET RÉPONSES D’ABÉURD. 421

Luc, et, enfin, selon saint Jean, béni est celui qui est venu au nom du Sei- gneur roi d’Israël.

Quand donc les Juifs tenaient ce langage, ce n’était point par ironie ; ils croyaient à ce qu’ils disaient. Eu leur répondant : « Vous le dites, » c’était comme s’il eût dit : il en est plus d’un parmi vous qui tient ce langage, non du bout des lèvres, mais du fond du cœur. En effet, si ceux qui l’interro- geaient ne disaient pas la chose, ou ne croyaient pas à ce qu’ils disaient, en répondant : « Vous le dites, » ce n’est pas à eux personnellement, c’était au peuple tout entier qu’il s’adressait. Quand il dit ailleurs aux Juifs, au sujet de Zacharie : « Celui que vous avez tué entre le temple et l’autel, » cela se doit entendre comme applicable, non à ceux des Juifs qui étaient là, mais au peuple tout entier dont ils faisaient partie. C’est ainsi qu’évidemment, lorsqu’on parle de la deuxième circoncision des fils d’Israël par Josué, il ne s’agit plus des mêmes personnes, mais du même peuple.

Nous lisons encore qu’au jour de la Passion, le centurion et ceux qui gardaient avec lui le Seigneur crucifié, voyant, au moment où il rendit l’âme, le voile du temple déchiré, la terre trembler, les tombeaux s’ouvrir, s’écriè- rent : « 11 était vraiment le fils .de Dieu. » El tous ceux qui assistaient au même spectacle et voyaient ce qui s’accomplissait s’en retournaient se frap- pant la poitrine. Lors donc qu’aux questions des Juifs : s’il est le fils, de Dieu, il répondait : « Vous le dites, » cela signifiait : le temps, le jour est proche où vous le reconnaîtrez pour tel.

C’est dans le même sens qu’à la question de Pilate : êtes-vous le roi des Juifs ? il répond : c Vous le dites, f et non : « Vous l’avez dit. » Le gentil ignorait les prophéties, et n’avait pas lu les paroles où le Christ avait été promis et son règne annoncé, suivant le passage des prophètes : • Et son royaume n’aura pas de fin ; ou encore : « Chantez, filles de Sion, voici votre Roi qui est venu. » Mais il le reconnut ce jour-là même, en propres termes, ainsi que le confirme l’inscription de la croix. En effet, suivant le récit de saint Mathieu, il dit^aux Juifs : « Voulez-vous que je mette en liberté le roi des Juifs ? » et encore : « Crucificrai-je votre roi ? » Et plus haut, comme il demandait à Notro-Seigneur : c Es-tu le roi des Juifs ? » et qu’il eût répondu : « Vous le dites de vous-même ; d’autres vous l’ont-ils dit de moi ?» il reprit : « Ne suis-je pas Juif, moi aussi ? c’est ton peuple, ce sont les prêtres qui t’ont livré à moi. » Ne voit-on pas combien de fois et avec quelle clarté Pilate le nommait roi des Juifs et appelait le peuple tout entier le peuple des Juifs fQuand donc le Seigneur lui dit : « Vous le dites de vous-même, » c’est comme s’il disait : demandez-vous cela pour connaître la vérité ou par une ruse des Juifs, comme l’un d’eux, et pour en prendre prétexte de me mettre à mort ?

Enfin Pilate, en rédigeant l’inscription, confirme par écrit, en trois lan- gues, ce qu’il avait dit. Tous ceux qui étaient réunis à Jérusalem pouvaient