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LETTRE D’ABÉLARD AUX VIERGES DU PARACLET. 400

que la sainte Écriture s’appuyât sur l’autorité de trois langues, et que la doctrine de Tune quelconque des deux fût corroborée du témoignage des deux autres ; c’est dans cette vue, dis-je, que la divine Providence a résolu de mettre dans ces trois langues l’Ancien et le Nouveau Testament.

Le Nouveau Testament lui-même, qui est supérieur à l’Ancien, tant en dignité qu’en utilité, fut d’abord certainement écrit dans les trois langues, ainsi que l’inscription de la croix l’avait annoncé. Certaines parties écrites pour les Hébreux exigeaient, en effet, l’usage de leur langue ; d’autres de- vaient nécessairement être rédigées, soit dans la langue des Grecs, soit dans celle des Latins, auxquels elles étaient destinées. Le premier Évangile selon saint Mathieu, étant fait pour les Hébreux, dut d’abord être écrit en hébreu. De même l’épitre de Paul aux Hébreux, celle de Jacques aux douze tribus déjà dispersées, celle de Pierre et quelques autres encore peut-être, furent assurément, pour la même raison, écrites en hébreu. Quant aux trois Évan- giles adressés aux Grecs, qui pourrait douter qu’ils aient été écrits en grec, ainsi que les épitres de Paul et des autres apôtres qui avaient même desti- nation, ainsi que l’Apocalypse envoyée aux sept Églises ? Pour les Romains, il n’y a, que nous sachions, qu’une seule épître qui leur ait été écrite par Paul, ce qui nous doit faire réfléchir sur le peu de vanité que nous devons tirer d’être Latins, et sur le besoin que nous avons des connaissances des autres peuples. Or si nous voulons les posséder, ces connaissances, il faut les chercher à la source plutôt que dans les dérivations des traductions, dont le caractère est de produire le doute plutôt que la certitude.

Il n’est pas facile, en effet, ainsi que nous l’avons dit, de conserver dans une traduction le tour particulier, c’est-à-dire ce qui fait le caractère propre d’une langue, d’adapter à chaque mot une interprétation exacte, de trouver, en un mot, dans une langue étrangère des expressions parfaitement équivalentes à celles des autres langues. Même en travaillant sur une seule langue, on manque souvent de terme pour rendre ce que l’on veut dire, et l’on ne trouve pas de mot propre qui soit une traduction claire. Nous voyons que saint Jérôme, autorisé entre tous par son habileté dans les trois lan- gues, est loin d’être toujours d’accord avec lui-même dans ses traduc- tions et dans ses commentaires. Souvent, en effet, il dit dans ses explica- tions : « Tel est le texte hébreu ; » et sa traduction faite sur l’hébreu ne ré- pond pas à ce texte. S’étonnera-t-on après cela que les différents traducteurs ne soient pas d’accord entre eux, quand on voit le même traducteur en dés- accord avec lui-même ?

Ainsi quiconque veut avoir quelque certitude sur ces textes ne doit pas se contenter d’une dérivation ; il faut qu’il remonte et puise à la source pure. C’est pour cette raison que la traduction de saint Jérôme, qui est la dernière et qu’il a, de son mieux, tirée exactement de l’hébreu et du grec, comme