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LETTRE D’ABÉLARD AUX VIERGES DU PARAGLET. 590

ment : « j’ai enfermé tes paroles au fond de mon cœur, afin de ne pas pécher 001111*6 toi. » Et touchant l’homme parfait : « Sa volonté est dans la loi du Seigneur, et il méditera sur la loi du Seigneur nuit et jour… J’ai compris tes ordres… i Enfin, les devoirs du pontificat m’ayant amené à Rome avec les saints pontifes Paulin et Épiphane, comme j’évitais modestement les re- gards des femmes de noble naissance, elle agit si bien, suivant l’Apôtre, i à contre temps et à temps » que son habileté triompha de ma pudeur. Comme je passais pour avoir alors quelque renom dans la connaissance des Écritures, jamais elle ne me rencontra sans me fairo quelques questions sur les Écri- tures ; et elle ne se tenait point pour satisfaite dès l’abord ; elle opposait .des objections aux réponses, non par esprit de contention, mais pour ap- prendre la solution des difficultés qu’elle comprenait qu’on pouvait opposer. Ce que j’ai trouvé en elle de vertu, d’intelligence, j’ose à peine le faire entendre, dans la crainte de paraître dépasser la mesure des vraisemblan- ces et de rendre votre douleur plus vive en vous rappelant tout ce que vous avez perdu. Je ne dirai qu’un mot : tout ce qu’une longue étude avait amassé en moi, tout ce qu’une méditation profonde avait fait passer comme dans mon âme, elle l’a’connu, appris, possédé ; si bien qu’après notre au- torité, c’était à elle qu’on s’adressait comme juge, dès qu’il s’élevait quel- que discussion sur un texte des Écritures. Et comme elle était très-habile, pour répondre aux questions elle ne se contentait pas de donner ses raisons personnelles, elle reproduisait mes paroles ou celles de quelque autre, en sorte que, méine dans ce qu’elle enseignait, elle se déclarait une simple disciple. Elle connaissait, en effet, les prescriptions faites par l’Apôtre : « Je ne permets pas à une femme d’enseigner, » L’Apôtre ne voulait pas que la femme parût faire injure à l’homme, et surtout aux prôtres, en discu- tant des points obscurs et douteux. Elle se consolait de notre éloignement par un échange de correspondance ; ce que nous ne pouvions nous donner en chair, nous nous le rendions en esprit ; elle ne songeait qu’à écrire la première, à vaincre en bons procédés, à prendre l’avance des salutations. Elle perdait peu par l’absence : un courant perpétuel de lettres supprimait les intervalles. Au milieu de cette tranquillité, tandis qu’elle était paisible- ment vouée au service de Dieu, une tempête d’hérésie s’éleva dans la pro- vince et y jeta le trouble avec un tel emportement de fureur, qu’elle n’y échappa ni elle, ni aucun des gens de bien. Et comme si c’était peu d’avoir tout confondu sur place, l’hérésie introduisit dans le port de Rome un vaisseau plein de renégats qui trouvèrent aisément prise au milieu des doc- trines impures et empoisonnées de la grande ville. Alors sainte Marcelle, qui s’était longtemps contenue, dans la crainte de paraître se lai<scr em- porter à un excès de zèle, voyant que la foi préchée par les apôtres était violée presque sur tous les points, si bien que l’hérésie entraînait les prê- tres, les moines et surtout les hommes du siècle, bien plus, qu’elle se jouait de la simplicité de l’évêque, qui jugeait de tous les autres par lui-