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les cœurs que les œuvres[1]. À ces enseignements généraux, il ajoute des recommandations spéciales sur le rôle qui convient à l’abbesse, à la tourière, aux diverses dignitaires ou officières du couvent ; il passe en revue chaque emploi et en détermine le caractère. Puis de ces détails d’organisation pratique remontant aux principes dont la pensée le domine, il conclut en exigeant, entre toutes choses, que, par l’étude approfondie, par la méditation raisonnée des saintes Écritures, on combatte l’ignorance, ce fléau de la vie monastique et de la religion. « Ne nous lassons pas, dit-il, de creuser des puits d’eau vive, c’est-à-dire de pénétrer nous-mêmes dans les profondeurs du sens des saintes Écritures ; creusons les anciens, ouvrons-en de nouveaux. Les Philistins dussent-ils s’y opposer, persévérons avec ardeur, afin qu’il nous soit dit à nous aussi : buvez de l’eau de vos vases et de vos puits. Creusons jusqu’à ce que l’eau déborde dans les places publiques. Que la science des divines Écritures ne nous permette pas seulement de donner satisfaction à nos propres besoins : apprenons aux autres à boire. Que les hommes boivent et les animaux aussi, suivant la parole du Prophète[2]. »

Ces instructions, dont nous retrouvons l’application fidèle dans la Règle attribuée à Héloïse[3], sont, peu après, suivies d’un recueil d’hymnes et d’un choix de sermons pour toutes les grandes fêtes de l’année. Les cadres de la vie du Paraclet ainsi tracés, pour ainsi dire, Abélard revient au moyen de direction sur lequel il fait le plus de fond, à savoir la culture des lettres. Il y compte pour empêcher que, « tandis que les mains sont occupées, le cœur ne s’échappe, et, infidèle à son céleste Époux, ne s’abandonne au commerce impur du siècle[4]. » Il se fait gloire d’ailleurs de pousser ses filles dans les études qui peuvent contribuer à « régénérer la connaissance abâtardie de l’Écriture, et à tirer le monde, par le zèle des femmes, des ténèbres où l’incurie des hommes l’a fait tomber. » Il les invite à s’attacher au texte même de l’Évangile, en répudiant toutes les traductions. « Heureuse, dit-il, l’âme qui, méditant nuit et jour sur la loi du Seigneur, étanche sa soif à la source même comme à une eau limpide, et ne s’expose pas, puisant un breuvage troublé au lieu d’un breuvage pur, à rejeter de dégoût ce qu’elle a pris[5] ! »

  1. Lettres, VIII, § 12, p. 320.
  2. Id., VIII, § 14, p. 360.
  3. Extraits des Règles du monastère du Paraclet, p. 364.
  4. Lettre aux vierges du Paraclet sur l’étude des Lettres, p. 512.
  5. Lettre aux vierges du Paraclet sur l’étude des Lettres, p. 509.