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mes de consécration ? Qui ne sait que, par la plus utile des mesures, elle a maintenu chez les peuples convertis la hiérarchie des dignités séculières, celle des rois et des autres princes, certaines dispositions de la loi des Juifs gentils, certains préceptes de leur morale ; bien plus, qu’elle leur a pris divers grades de dignités ecclésiastiques, la pratique de la continence et le vœu de la pureté corporelle ? Nos évêques, en effet, et nos archevêques actuels tiennent le rang que tenaient chez eux les flamines et les archiflamines, et les temples qu’ils avaient élevés aux démons ont été consacrés au Seigneur et dédiés à la mémoire des Saints.

Nous savons aussi que la virginité a été particulièrement en honneur chez les Gentils, tandis que l’anathème de la loi forçait les Juifs à se marier, et que, chez les Gentils, cette vertu ou pureté de la chair était en telle considération, que leurs temples étaient remplis d’assemblées de femmes qui se vouaient au célibat. C’est ce qui fait dire à saint Jérôme, dans son épître aux Galates, livre III : « Que devons-nous faire, nous autres chrétiens, quand nous voyons, à notre honte, que Junon a ses femmes consacrées, Vesta, ses vierges, et d’autres idoles, leurs fidèles voués à la continence ? » Il distingue les femmes et les vierges, faisant entendre par là que les unes avaient connu des hommes, tandis que les autres étaient vierges, c’est-à-dire avaient vécu seules ; car μσνος (seul) et monachus (moine), c’est-à-dire solitaire, ont le même sens. Le même, dans son premier livre contre Jovinien, après avoir cité un grand nombre d’exemples de la continence des femmes païennes, ajoute : « Je sais que j’ai multiplié les exemples de ces femmes ; c’est afin que les femmes chrétiennes, qui font bon marché de la vie évangélique, apprennent du moins la chasteté à l’école des païens. » Plus haut, dans le même passage, il exalte la vertu de continence, à ce point qu’il semble que ce soit cette pureté de la chair que Dieu ait eu particulièrement pour agréable chez tous les peuples, et qu’il ait voulu signaler par des grâces ou des récompenses, par des prodiges même, chez les infidèles : « Que dirai-je, continue-t-il, de la Sibylle d’Érythrée, de celle de Cumes et des huit autres, ou des dix autres, suivant Varron ? Leur vertu caractéristique était la virginité, et le don de prophétie était la récompense de cette virginité. Et encore : « On rapporte que Claudia, vierge vestale, soupçonnée de libertinage, conduisit avec sa ceinture un vaisseau que des milliers d’hommes n’avaient pu traîner. » Prodige auquel l’évêque de Clermont, Sidoine, dans son épître à son livre, fait allusion en ces termes : « Telle ne fut point Tanaquil, ni celle dont tu fus le père, ô Tricipitin, ni cette vierge consacrée à Vesta Phrygienne, qui, sur les eaux gonflées du Tibre, traîna un vaisseau avec les tresses de ses cheveux. »

D’autre part, saint Augustin, au livre XXII de la Cité de Dieu, dit : « Si nous en venons aux miracles qui ont été faits par leurs dieux et qu’ils oppo-