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dans l’autre avec allégresse. Quant aux miroirs des femmes, ils sont les œuvres extérieures dans lesquelles on voit la laideur et la beauté de l’âme, comme on juge par un miroir matériel de la nature du visage. De ces miroirs on fait un vase dans lequel se purifient Aaron et ses fils, en ce sens que les œuvres des saintes femmes, l’inébranlable fermeté du sexe faible dans le service de Dieu, condamnent la mollesse des pontifes et des prêtres, et leur arrachent des larmes de componction ; en ce sens que, s’ils prennent soin de ces femmes, comme ils le doivent, les bonnes œuvres qu’elles accomplissent préparent aux fautes qu’ils ont commises le pardon qui les purifie. C’est de ces miroirs que saint Grégoire se faisait un vase de componction, alors qu’admirant la vertu des saintes femmes et les triomphes du sexe faible dans le martyre, il s’écriait en soupirant : « Que diront ces barbares, en voyant de tendres jeunes filles supporter de tels tourments pour le Christ, un sexe si délicat sortir victorieux d’une telle lutte ? Car les femmes ont remporté souvent la double couronne de la virginité et du martyre. »

À ces femmes qui veillaient à la porte du temple, et qui, comme des Nazaréennes, avaient consacré au Seigneur leur virginité, je ne doute nullement qu’il faille joindre Anne, cette sainte qui mérita, conjointement avec Siméon, de recevoir dans le temple le véritable Nazaréen de Dieu, Jésus-Christ, d’être saisie d’un esprit plus que prophétique à la même heure que Siméon, de saluer le Sauveur, de faire connaître sa venue et de l’annoncer publiquement. C’est son éloge que développe l’Évangéliste, lorsqu’il dit : « Et il y avait une prophétesse nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser ; elle était fort avancée en âge, et elle n’avait vécu que sept ans avec son mari, qui l’avait épousée vierge ; et elle avait gardé le veuvage jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, ne quittant pas le temple, jeûnant, priant, et ne cessant nuit et jour de servir Dieu. Étant donc survenue en cet instant, elle annonçait la venue du Seigneur et en parlait à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem. »

Observez tout ce que dit l’Évangéliste ; voyez quel zèle il déploie dans l’éloge de cette veuve et combien il exalte sa sainteté. Il parle du don de prophétie dont elle jouissait depuis longtemps, de son père, de sa tribu, des sept années qu’elle avait vécu avec son mari, de son long veuvage consacré au Seigneur, de son assiduité au temple, de ses jeûnes, de ses prières incessantes, des actions de grâce par lesquelles elle confessait la gloire de Dieu, de sa prophétie publique sur la promesse et la naissance du Sauveur. Et le même Évangéliste, en parlant plus haut de Siméon, avait célébré en lui le don de vertu, mais non le don de prophétie ; il ne dit point qu’il eût poussé si loin la continence, l’abstinence, la sollicitude du service divin ; il n’ajoute point qu’il eût annoncé le Seigneur à personne.

Cette vie de pieux zèle et de dévouement me parait être aussi le partage de ces veuves dont parle l’Apôtre dans sa lettre à Timothée : « Honorez les