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cipe de la profession religieuse, et leur proposant à tous en exemple la perfection de sa vie.

Nous voyons, en effet, qu’avec les Apôtres et les autres disciples, avec sa Mère, de saintes femmes l’accompagnaient. En renonçant au monde, en faisant le sacrifice de tout bien pour ne posséder que Jésus, ainsi qu’il est écrit : « le Seigneur est un héritage, » elles n’avaient fait, sans doute, qu’accomplir pieusement ce que doivent faire, selon la règle prescrite par le Seigneur, tous ceux qui sortent du siècle pour participer à la communauté de la vie religieuse, « Nul ne peut être mon disciple, est-il dit, à moins de renoncer à tout ce qu’il possède. » Mais avec quel pieux amour ces saintes femmes, ces vraies religieuses ont suivi Jésus-Christ, de quelle grâce il a ensuite comblé leur piété, quels hommages il leur a rendus, ainsi que ses Apôtres, les saintes Écritures le racontent fidèlement.

Nous lisons dans l’Évangile que le Seigneur réprima les murmures du pharisien qui lui avait donné l’hospitalité, et mit au-dessus de son hospitalité l’humble hommage de la femme pécheresse. Nous lisons encore que Lazare, après sa résurrection, mangeant avec les autres convives, Marthe, sa sœur, était seule occupée à servir, et que Marie répandit alors une huile précieuse sur les pieds du Seigneur et les essuya ensuite avec ses cheveux, en sorte que toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum ; et que Judas, dans un sentiment de convoitise, s’indigna, ainsi que les autres disciples, en voyant consommer en pure perte une chose d’un si grand prix. Ainsi, tandis que Marthe s’occupait des aliments, Marie préparait des parfums ; l’une pourvoit aux besoins du Seigneur, l’autre, par cette ablution, soulage sa lassitude.

L’Évangile ne nous montre que des femmes servant le Seigneur. Elles avaient consacré tous leurs biens à assurer sa nourriture de chaque jour et pris la charge de lui fournir les choses nécessaires. Lui-même se montrait le plus humble des serviteurs envers ses disciples ; il les servait à table, il leur lavait les pieds, et nous ne voyons pas qu’il ait jamais reçu d’aucun d’eux, ni d’aucun homme, de semblables services. Ce sont des femmes seules, je le répète, qui lui prêtaient leur ministère pour tous les besoins de l’humanité. Marthe a rempli l’un de ces devoirs, Marie l’autre, et Marie, en cela, montrait un dévouement d’autant plus pieux qu’elle avait été auparavant plus coupable.

C’est avec de l’eau mise dans un bassin que le Seigneur remplit envers ses disciples ce devoir d’ablution ; c’est avec les larmes de son cœur, avec les larmes de la componction, non avec une eau extérieure, que Marie l’accomplit envers lui. Le Seigneur essuya avec un linge les pieds des Apôtres, Marie, pour linge, se servit de ses cheveux, et elle y ajouta des onctions d’huiles précieuses, ce que nous ne voyons pas que Jésus-Christ ait jamais fait. Tout le monde sait que, dans sa confiance en la miséricorde du Seigneur, elle ne craignit pas de répandre aussi le parfum sur sa tête ; et ce