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LETTRE CINQUIÈME

RÉPONSE D’ABÉLARD À HÉLOÏSE


SOMMAIRE
Abélard répond à la dernière lettre d’Héloïse qu’il divise en quatre points : sur chaque point, il déduit ses raisons, moins préoccupé de se défendre lui-même que d’éclairer Héloïse, de l’encourager, de la consoler. En premier lieu, il indique le motif qui, dans sa lettre, lui a fait mettre le nom d’Héloïse avant le sien. En second lieu, il proteste que, s’il a parlé de ses divers malheurs et des dangers qui le menacent de mort, c’est qu’elle l’avait elle-même adjuré de le faire. Troisièmement, il l’approuve de dédaigner les louanges, pourvu que ce dédain soit sincère et qu’il ne s’y mêle aucun désir d’appeler l’éloge. Quatrièmement, il s’étend fort au long sur les circonstances qui leur ont fait à l’un et à l’autre embrasser la vie monastique. Quant à la blessure infligée à son corps, et qu’elle déplore, il en atténue l’importance, il déclare qu’elle est pour tous deux un mal salutaire, et peut devenir, en égard aux actes honteux de la chair, une source d’une foule de biens ; puis il prend occasion de cette épreuve pour exalter la sagesse et la clémence divine. La lettre est semée de paroles d’enseignement, d’encouragement et de consolation. Elle se termine par la formule d’une petite prière que les religieuses du Paraclet devront réciter pour appeler la miséricorde de Dieu sur Abélard et Héloïse.


À l’épouse de Jésus-Christ, le serviteur du même Jésus-Christ.


Votre dernière lettre se résume, si je ne me trompe, en quatre points qui contiennent l’expression émue de vos griefs. D’abord vous me reprochez d’avoir contrevenu à l’usage épistolaire et même à l’ordre naturel, en mettant votre nom avant le mien dans la formule de salutation de ma lettre. En second lieu, dites-vous, bien loin de vous apporter des consolations, j’ai augmenté votre douleur et fait jaillir la source des larmes que je devais essuyer, en vous écrivant : « S’il arrive que le Seigneur me fasse tomber entre les mains de mes ennemis et que ceux-ci, triomphants, me donnent la mort… » Puis sont revenus ces anciens et éternels murmures contre Dieu au sujet de notre conversion et de la trahison cruelle dont j’ai été l’objet. Enfin, à l’éloge que je faisais de vous, vous opposez un acte d’accusation contre vous-même, en me suppliant avec instance de n’avoir pas de vous une idée si haute.