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Levant alors les yeux, Mme Govaërts examina un instant cette bonne figure empreinte d’honnêteté et de bonté naïve ; et comme pour la remercier elle finit par sourire à la cuisinière, d’un faible et triste sourire qui serra le cœur de la mère Frossart.

— Et voici mon valet de chambre, dit encore Govaërts en désignant Émile qui venait de se saisir de deux des trois valises posées à terre.

Mais le regard de la jeune femme s’arrêta à peine sur le visage comme du taciturne domestique.

— Il me tarde de me trouver chez moi, dit-elle. Montrez-moi le chemin, voulez-vous ?


Après avoir fait déposer les valises dans la chambre du premier préparée pour la malade, Govaërts congédia les domestiques et resta seul en compagnie de sa femme, avec laquelle il eut une conversation d’une dizaine de minutes.

Lorsqu’il sortit, il semblait soucieux, et même un peu sombre.

Pour se retirer, il dut traverser la pièce précédente, dans laquelle trouvait l’étrangère qui avait accompagné la malade. Et il fronça sourcils en voyant cette femme près de la porte qui faisait communiquer deux pièces.

— Vous écoutiez… dit-il d’une voix brève et dure.

— Non, Monsieur. Je vous jure que non… balbutia la femme,

Un instant, il la considéra d’un regard aigu qui semblait vouloir fouiller jusqu’au fond de l’âme. Puis, d’un ton moins dur :

— Je dois vous appeler Julie, m’a-t-on dit ?

— Oui, Monsieur.

— Vous savez ce que vous avez à faire ?

— Oui, Monsieur.

— Ne pas quitter Madame lorsqu’elle est dehors, je veux dire dans le jardin, car, sous aucun prétexte, vous le savez, elle ne doit sortir de la propriété. Le reste du temps, votre place est dans cette chambre, à la disposition de Madame, qui vous appellera lorsqu’elle aura besoin de vous. N’entrer chez elle que lorsqu’elle vous appellera. On vous montera vos repas ici, mais c’est vous, naturellement, qui servirez Madame chez elle. Avoir pour Madame, non seulement tous les soins, mais tous les égards possibles, On vous a dit tout cela, n’est-ce pas ?

— Oui, Monsieur.

— En cas de besoin, vous saurez que la chambre où je couche se trouve presque en face de la vôtre.

— Bien, Monsieur.

— En principe, vous non plus ne devez pas sortir de la propriété. Mais vous avez demandé à ce que de temps en temps vous soit octroyé un congé de deux jours, que vous serez libre de passer où il vous plaira, sauf à Mouzonville, où vous ne devez séjourner sous aucun prétexte. C’est toujours bien cela ?

— Oui, Monsieur.

— À ce sujet, je vous demanderai de bien vouloir m’avertir quelques jours à l’avance de l’époque à laquelle vous comptez profiter de votre congé.