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L’ÉTOFFE MERVEILLEUSE.

l’étoffe, et qu’on n’avait jamais tissu rien de si rare.

Cependant de trois en trois jours l’étoffe avançait, disait-on, du double ; et le roi, qui voulait éprouver toute sa cour, envoyait tantôt un courtisan, tantôt un autre, et tous revenaient vanter le merveilleux tissu qu’ils n’avaient pas vu.

Enfin le roi voulut y aller lui-même. Il vit les ouvriers assis devant leur métier ; il les entendit qui lui disaient : « Voyez, sire, combien cette trame est belle et solide ; voyez comme ce dessin est agréable, bien entendu ; voyez l’éclat de ces couleurs, l’union, le jeu des nuances entre elles ; voyez l’effet du tout. » Et ils faisaient alors semblant de dérouler une grande pièce, tandis que le roi, bien honteux et presque désespéré, ne savait que dire de ce qu’il ne voyait rien, surtout lorsqu’il pensait que d’autres avaient vu.

Le voilà qui dans son ame se fâche contre son père, contre sa mère, et qui se sent tout